De L’Existence de Dieu

Quelle question ! Peut-être la plus grande, peut-être la plus importante, peut-être la plus impossible ? Comment réussir à prouver l’existence de Dieu ? C’est non sans une certaine fébrilité que j’attaque ce billet, un peu comme un footeux attaquerait une coupe du monde sans préparation, tant cette question est la mère (ou le père) de toutes les questions. Jung disait : « Dieu est le symbole des symboles », et quel symbole victorieux représenterait cette réussite philosophique, intellectuelle. Quelle coupe gagnerait-on à vaincre cet improbable qui use et épuise les consciences les plus éveillées depuis la nuit des temps.

Essayons un test. Prenez un stylo ou une fourchette, je ne sais quel petit objet, suspendez le du bout des doigts au dessus d’une table et maintenant dites à voix haute : Dieu si tu existes, empêche le stylo de tomber sur la table. Maintenant observez, si l’objet tombe sur la table c’est que Dieu n’existe pas, s’il ne touche pas la table c’est que Dieu existe. S’il n’est pas tombé et bien vous savez. Le stylo est tombé ? Arf merde, alors tentons autre chose.

Tablette sumérienne de Nippur racontant la création du monde
Tablette sumérienne de Nippur racontant la création du monde

Reprenons par le départ, Dieu, prouver son existence, mais qu’est-ce que c’est Dieu ? Quelle est sa définition ? Si on regarde la Bible on trouvera, Dieu créateur de l’Univers. Si on regarde les autres religions, on trouvera une multitude de dieux s’exerçant dans des panthéons avec un point central, un ancêtre commun ou un lieu d’où émerge tous ces dieux, Marduk pour les Babyloniens, Chaos puis Gaïa pour les Grecs, Noun et Râ pour les Égyptiens, An pour les Sumériens. Finalement toutes les visions des divinités qui ont parcouru l’humanité ont comme base essentielle l’idée d’un départ, d’une origine commune à toutes, celui qui existe avant que l’univers n’existe, celui qui démarre, débute volontairement, il est celui qui crée la matière puis lui donne vie. Chaos et Gaïa réunis.

Dès lors, nous pourrions scinder en deux la vision que nous pouvons avoir de nos origines :

Soit l’univers est purement matérialiste et se coordonne au gré de la chance ou d’une harmonie céleste, vision athéiste.
Soit l’univers est une prise de décision d’une entité créatrice qui volontairement fait acte de création ou/et de continuité (l’Éternel), vision d’un croyant.
Alors il serait aisé d’utiliser les butées de la science pour démontrer la grandeur de Dieu, sa suprématie et son évidente existence. Il est vrai que le mur de Planck reste un indépassable, que le ballet céleste, bien que calculable, reste un pur mystère et que nous identifions encore chaque jour de nouvelle matière. La science découvre une œuvre dont elle ne cesse de démontrer la grandeur, la cohésion, l’infini, bref l’ouvrage d’un Maître, que dis-je d’un Seigneur.

Malheureusement cet argumentaire se repousse d’un revers de main. Où se trouve Dieu dans ces cailloux volants ? Le mystère n’existe plus, tout est découvrable et calculable, ce n’est qu’une bête histoire de temps et de motivation humaine. Le hasard n’est finalement qu’un algorithme trop complexe pour que notre cerveau réussisse à calculer toutes les probabilités de l’avenir. Max Weber dirait : le monde est désenchanté. L’univers semble finalement mu par une dynamique sans créativité, un cycle sans fin, sans impulsivité, sans intervention.

Göbekli Tepe le plus vieux lieu sacré découvert
Göbekli Tepe le plus vieux lieu sacré découvert

Peut-être nous trompons-nous, en cherchant Dieu dans des cailloux, dans la matière, dans le physique, dans ce qui est-là. Après tout, la plus belle des mécaniques tourne toute seule, sans horloger ni mécanicien. Ces ingénieurs sont là avant, peut-être pendant et après, mais ils ne sont pas dans le mécanisme. Deus ex machina.

Dès lors, quittons le domaine de l’étude physique pour rentrer dans le domaine métaphysique. Comment prouver l’existence d’une entité, de quelque chose en dehors du domaine de l’observable et du palpable.

Le problème c’est que lorsqu’on parle de métaphysique, on se réfère alors aux sentiments, du désir à la haine, de l’intelligence à la conscience, et bien évidemment l’amour, dont les chrétiens notamment pensent que Dieu en partage la nature. Le souci provient de ce que cette métaphysique soit propre à la psyché humaine, et en farfouillant dans sa tête et sa psychologie on peut même le trouver, l’amour est une hormone, le désir, l’excroissance du besoin, la haine, le manque d’amour, donc d’hormone. Un simple mécanisme finalement bien huilé même s’il peut impressionner pour le dynamisme qu’il dégage.

Ne baissons pas les bras et tentons d’extrapoler, Dieu, de nature métaphysique serait alors l’équivalent de l’amour mais non pas chevillé à l’homme mais à la Création tout entière. Mais comment prouver cette existence à un endroit où finalement l’homme n’a pas accès, à l’intime du Tout, de l’Univers, et comment être sûr qu’il ne s’agit pas d’un bête mécanisme comme chez l’homme. Nous pourrions tenter de le prouver par le symptôme, comme l’amour d’une femme pour son enfant, par le fait qu’elle en prenne soin, qu’elle agisse pour son bien-être mais là encore nous serions bien emmerdés car des actions divines ne sont imputables à lui qu’avec le pré-requis de la croyance en lui. Bref, on tourne en rond.

Ça tombe bien, je n’ai jamais cru en la métaphysique, à cet univers athée séparé en deux, le domaine des dieux et le domaine des hommes. Non. Par contre, je crois dur comme fer que l’on se plante complètement sur la nature de l’univers en le bornant au palpable. Ce domaine des dieux n’est pour moi pas au-delà d’une frontière arbitrairement placée par l’homme là où il ne comprend plus. Premièrement, cette frontière est stupide car l’homme ne cesse de la repousser. Pour une frontière divine ça laisse à désirer. Deuxièmement cette frontière cloisonne et aseptise les deux mondes, Dieu ne ferait pas partie du nôtre et nous ne ferions pas partie du sien.

Pourquoi serait-il ailleurs d’abord, derrière une barricade. Pour se protéger ? Pour détourner le regard ? Être ailleurs, ce n’est pas l’apanage d’un être fini ? Un être infini peut-il être ailleurs comme une vulgaire paire de clés ?

Or non, Dieu est parmi nous.

Faisons un détour étymologique, j’adore ça, les retours aux racines, tellement salvateur. La physique, la fameuse, qui borde le monde dans le matérialisme, se réfère à l’origine à la science naturelle, celle qui déjà chez les Grecs tentait d’expliquer et comprendre la nature. Et la nature, d’où ça vient, qu’est ce que ça veut dire ? Les arbres et la forêt ? Non. On trouve ici : « le fait de la naissance », mot détourné de nascor : naître, provenir.

On peut donc observer la contamination du matériel par cette fameuse impulsion initiatrice et créatrice ici présente sous le terme de naissance. Les deux seraient-elles intimement liées ?

Dans les grandes dichotomies binaires qui animent les débats, l’œuf et la poule, l’essence et l’existence, j’ai toujours tendance à choisir l’ambiguïté dans sa pleine totalité. En effet, si ce n’est notre vision et notre aptitude scientifique à la découpe, qu’est ce qui sépare une poule d’un œuf si ce n’est quelques éléments électromagnétiques en plus, comme ceux qui séparent la poule de ses plumes. Je prononce alors, que l’œuf c’est de la poule, ou plutôt, l’œuf procédant de la poule et la poule de l’œuf, cela en fait deux inséparables et la dichotomie d’origine est alors un faux débat qui ne concerne qu’une bête temporalité à la solution inutile. D’ailleurs la science connaît aujourd’hui les prémices de la vie, sous la forme d’ensemble de molécules organiques, c’est-à-dire un embryon à l’air libre, un poussin sans coquille, un œuf et une poule en même temps.

De même, l’existence est une essence en soi car l’existence implique nécessairement un choix originel, entre l’être et le néant, to be or not to be… Comme deux possibilités sont présentes, le fait d’exister montre une prévalence d’une des deux possibilités chez l’objet existant de telle manière que ce « choix » produit une direction et donc une essence.

Dans L’Existentialisme est un humanisme, Sartre prend exemple sur le couteau. En effet, lorsque l’homme inventa le couteau, il ne s’est pas dit : « Tiens je dois créer quelque chose qui coupe. » (vision essentialiste) mais a trouvé une pierre qui coupe et en a fait ensuite un couteau, du référé (caillou coupant) au référent (couteau). Cet exemple indiscutable qui permet à l’existentialisme de gagner les consciences et pourtant un faux intellectuel. Depuis quand l’essence procède-t-elle de l’homme ? Car si le caillou coupant n’était effectivement pas encore un couteau, il était déjà, en soi, un caillou coupant qui ne devait d’ailleurs pas avoir besoin de l’homme pour couper les animaux où les feuilles passant trop près. L’exemple anthropocentré de Sartre prouve bien la difficulté que l’on a de penser l’univers en dehors de nos représentations cognitives.

Car oui quelque chose qui existe n’est pas quelque chose qui n’existe pas et en soi, tout ce qui existe possède un caractère propre, tout est défini. Le caillou n’est pas juste un caillou, c’est un caillou coupant, rond ou ovale. Un homme n’est pas juste un homme, c’est Pierre, Paul ou Jacques. L’existence de tout objet, corps, âme, est déjà en elle-même une transcendance du néant, du rien, du vide et de l’informe.

Là où on devine le caractère lié de l’existence et de sa propre essence, c’est que pour que l’existence continue il faut reproduire ce sens. C’est à dire maintenir le choix d’être plutôt que de ne pas être.

L’existence a alors bien intégré en elle une essence, celle pour l’homme d’assurer sa pérennité, car s’il ne l’assure pas, s’il ne comprend pas ce but objectif et ontologique, alors il peut se détruire et perdre existence.

Toute la question de la morale des actions humaines dépend d’ailleurs de cette essence, de cette ontologie, comment assurer la pérennité de l’existence.

Grâce à cela, nous pouvons dégager le vieux clivage opposant athées et croyants, les uns pensant l’existence de la matière comme préexistante à tout but, à toute dynamique essentialiste, les autres pensant la matière créée et mue par une essence préexistante, Dieu.

Un réalisateur dont j’ai malheureusement oublié le nom disait au sujet de l’œuvre de Kubrick qu’elle était mal acceptée car ambigüe et que l’Homme détestait l’ambiguïté, mais celle-ci est le tissu même du monde.

Dès lors, opposé un être de pur esprit et un tout matériel semble insatisfaisant, les deux ne s’opposant finalement pas. La matière sans but, sans essence, ne serait pas animée, elle serait froide, inerte et inutile. L’essence sans matière ne pourrait rien animer ce serait une dynamique à vide. Mais comprenons nous bien, nous allons plus loin que cette simple évidence. Nous disons, qu’il ne peut y avoir de dynamique sans matière et de matière sans dynamique. C’est bien la corrélation des deux, qui permet à celles-ci d’exister.

On se pose alors la question du départ, du début, comment cela a-t-il commencé ? Je pense que cela n’a jamais commencé que ce bal céleste est éternel et non simplement immortel. Déjà parce que d’une évidence telle, la barrière est toujours placée au milieu, il y a forcément éternellement un avant et un après, l’infini n’est pas une supposition, c’est un irréfutable. Rassurez-vous cela ne réfute pas pour autant toute portée eschatologique, plaçant simplement celle-ci sur une ligne sans début ni fin au lieu d’une échelle bien matérialiste.

Tout comme Einstein pensa la relativité de l’espace temps, c’est-à-dire l’indissociabilité des deux, nous ne pouvons réellement séparer les deux axiomes ontologiques. A l’origine de tout, je pense que deux formes s’opposent le cercle, le rond, la matière (l’existence, l’espace) et l’axe, la ligne et l’esprit (l’essence ou le temps si vous préférez). J’ai toujours fait la supposition que cette dichotomie et la racine de toutes les différences entre religions, entre sexes, entre cultures, entre politiques, les uns étant plus proches de l’un ou de l’autre mais dans tous les cas, les deux étant nécessaires.

Faisant un peu de théurgie grecque, et observant le ciel pour découvrir le dessein divin, on s’aperçoit que tout y tourne, que le circulaire, le rond, la matière, s’agite de partout, depuis les noyaux de l’atome jusqu’à Jupiter. Mais il faut bien tourner autour de quelque chose ! Et l’axe de rotation est finalement lui aussi de partout. Ce que l’on aperçoit aussi c’est que chaque corps en mouvement, tourne autour d’un point d’une manière radicalement différente. Mars et la Terre ne tournent pas sur le même plan, on comprend donc qu’à partir d’un point central, chaque corps tournant se crée son propre axe. Il s’agit ici d’une preuve du lien indéfectible de cette synergie : l’axe dépend de la matière, la matière dépend de l’axe.

Albert Einstein
Albert Einstein

Les scientifiques peinent incroyablement à comprendre pourquoi l’infiniment petit et l’infiniment grand ne semble par répondre aux mêmes règles. Toute la correspondance entre Einstein et Planck est là pour l’illustrer. Einstein était émerveillé de découvrir la mécanique divine des astres alors que son comparse Planck découvrait un foutoir sans nom dans l’infiniment petit, l’absence complète d’une quelconque volonté divine. Ainsi, Einstein pria Planck de continuer ses recherches par une célèbre formule : « Le Vieux ne joue pas aux dés. ».

On voit bien ici notre bonne vieille dichotomie originelle reprendre forme, la matière imparfaite et vulgaire contre l’esprit pur, construit et aligné, Chaos contre Gaïa.

Or, ce que nous permet un peu de théurgie, c’est d’observer que plus l’ensemble est grand plus il est construit, sage et stable, et plus il est petit, plus il est fou et chaotique. Erreur fonctionnelle de la science dans sa folie de la découpe, c’est de ne pas réussir à voir la corrélation, la dynamique de création. Du plus petit au plus grand, du plus chaotique au plus construit, du plus mystérieux au plus compréhensible, un sens se dégage.

Car si l’univers s’étend à l’infini, devenant de plus en plus stable et prévisible, il me semble qu’à l’opposé dans le chaos de l’infiniment petit, s’étend un infini obscur de plus en plus minuscule, de plus en plus incompréhensible, mystérieux, hasardeux.

Or, dans ce bouillonnement originel, matriciel, qui n’est pas sans rappeler le Big Bang et le fameux mur de Planck, me semble y naître toute la vie et la dynamique universelle. Finalement, il me semble que Planck était beaucoup plus proche de Dieu qu’Einstein.

C’est à s’y méprendre sur la vie humaine et notre temporalité, de la folie et de l’inconstance de l’enfance, au radotage et au conservatisme des anciens.

Leibniz nous posait cette question : « Pourquoi y a t-il quelque chose plutôt que rien ? ». Le vertige ressenti à son énonciation nous pousse. Nous sommes obligés d’y répondre sans en avoir la capacité. Sans pour autant chercher une raison, il semble nécessaire de croire en cette question, à ce pourquoi qui cache aussi un comment.

Le vertige de la mort et de la destruction est tout aussi présent dans nos vies. Le néant, le rien semble vouloir happer le monde. Or, à notre instar, l’univers semble résister, s’extirper éternellement de ce trou noir originel, caché quelque part dans l’infini obscur du chaos et peut-être aussi dans l’infini de l’espace gigantesque si vide et si froid. La vie et l’existence de cet Univers serait alors comme pour nous compris dans un arc entre deux morts soumis pour survivre à une éternelle pulsion de vie et une transcendance du néant par la régénération.

Mais justement où est Dieu dans tout ce bordel ?

Si nous prenons le tout départ de la Bible, il est écrit :

« Au commencement Dieu créa le ciel et la terre.
La terre était informe et vide ; les ténèbres couvraient l’abîme, et l’Esprit de Dieu se mouvait au-dessus des eaux.
Dieu dit : « Que la lumière soit ! » et la lumière fut. »
Gn 1;1-3

On retrouve bien encore une fois la dichotomie originelle, la matière vide et inerte dans laquelle l’essence par le Verbe, par la parole performative, vient donner vie et dynamisme.

Dieu est ici celui qui met en place nos deux axiomes, matière et dynamique. Et je pense que c’est cet acte fondateur, ce rapprochement perpétuellement répété qui permet l’existence, qui permet l’Être.

Dieu semble être celui qui fait et prononce, par induction nous pouvons en conclure qu’il personnifie chez l’homme ce qui porte la volonté créatrice.

Notre misérable perception humaine n’arrivera jamais à comprendre et définir ce qu’est Dieu mais ce que Leibniz dégage c’est finalement la conditionnalité de nos existences respectives. « Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? » Nous ne savons pas pourquoi ni comment, mais nous savons que ce phénomène se produit et parce qu’il se produit il prouve l’existence de cette « volonté ».

Certes les lapins et les cailloux n’ont pas besoin de personnifier cet élan créateur, ils n’ont pas besoin pour eux d’avoir une conscience et une parole. Ils n’ont pas besoin de répondre à la question de Leibniz.

Mais nous oui, car tous les jours nous avons ce choix à faire, vivre ou mourir. Pour survivre, l’homme ne doit pas seulement en avoir l’instinct, il doit le vouloir, il doit en faire le choix. Ce choix, cette confiance qu’il renouvelle dans l’existence, il a décidé de la personnifier et de lui donner des noms et des contours, et grâce à lui, il peut se reconnecter au reste de l’univers.

Est-ce à dire que Dieu n’est qu’un symbole ? Oui, mais comme tout référent, il a bien un référé. Et malheureusement nous ne pouvons entrevoir ce référé qu’à travers le biais de nos yeux humains.

Si nous ne pouvons donner de définition précise, nous pouvons par contre décrire le sentiment qu’il dégage, le vertige de la question de Leibniz, cette sensation étrange qui nous fait sentir la différence entre l’être et le néant.

Dieu, c’est cette faille, cette invraisemblable force qui nous paraît tellement fragile, cette fébrilité qui nous pousse à l’humilité et à la rencontre, ce sentiment indéfectible que nous avons au bord de l’océan de faire partie du même bain cosmique. Bien que partout, ce sentiment qui nous traverse, nous semble toujours plus visible en regardant vers ses extrémités, vers la mort et la naissance, vers le ciel et le ventre d’une femme.

Ce n’est pas pour rien qu’Abraham, Moïse, le Christ et le Prophète ont tous rencontré Dieu dans le désert, dans cet espace infini et silencieux, où le temps semble arrêté. Ce n’est pas pour rien que le jeûne est présent dans la quasi-totalité des religions, du bouddhisme à l’Islam. En se privant, ils contraignent leur existence et peuvent observer que celle-ci n’est pas donnée et automatique mais bien la résultante d’un choix intime.

Dieu, nous ne savons pas ce que c’est, un être, une entité, une impulsion, ce qui est certain c’est que l’homme sur l’indicible a décidé d’une figure. Cependant, si nous pouvons avancer une seule preuve de son existence du peu que nous savons de lui, c’est que si sa définition est d’être ce qui permet l’existence, elle prend chez nous la forme d’une volonté, d’une foi, d’une croyance.

Comprenons-nous bien, nous ne sommes pas en train de dire que c’est parce que l’homme croit en Dieu que celui-ci existe, mais c’est parce que l’homme est porteur d’une croyance que celle-ci lui permet d’exister. D’une certaine manière l’homme a eu besoin de copier, interpréter et retranscrire, c’est-à-dire de créer un référent, pour pouvoir reproduire et suivre le référé.

De nos jours, il est intéressant d’observer que même les athées ne peuvent réellement s’extirper de ce système de croyance, simplement, là où l’iconographie représentait le référé de manière peut-être trop trivial, l’homme moderne a eu un besoin plus technique, plus complexe, incorporant cette même croyance originelle à un système plus intellectuel, textuel et moins sensitif.

Il n’en reste que les valeurs dîtes positives qui parcourent le monde actuel sont bien issues de l’allusion à ce référé dont nous perdons petit à petit le lien originel en occident. C’est-à-dire, cette prise de conscience originelle de notre infini médiocrité face aux abîmes du firmament et de ne devoir notre existence qu’à une puissance perpétuellement créatrice, présente.

La barque solaire qui emmenait Râ et Seth vaincre les ténèbres d'Apophis chaque nuit.
La barque solaire qui emmenait Râ et Seth vaincre les ténèbres d’Apophis chaque nuit.

Dans l’antiquité, les Égyptiens pensaient que le soleil se levait tous les matins grâce à l’action de deux dieux qui triomphaient chaque nuit de l’obscurité et du néant. Aujourd’hui, nous les observons comme de sombres crétins incapables de comprendre une bête mécanique des astres. Et pourtant, ô combien ont-ils plus raison que notre vision blasée et suffisante. Rien n’oblige chaque matin le soleil de se lever, tout peut chaque nuit arriver. Cette tension palpable de la difficulté de survivre, cette conscience d’être soumis à un destin qui nous dépasse complètement, nos sociétés bourgeoises s’essuient désormais dessus et l’ont totalement oubliée. Mircéa Eliade observait déjà que plus les sociétés avançaient en bien-être, plus elles étaient matérialistes et pouvaient se retourner à chaque instant vers une vision plus spirituelle si ce bien-être venait à disparaître. On rencontre Dieu dans la difficulté, dans le vacillement primordial entre l’être et le néant, et non dans la tiédeur des coussins et des canapés.

« Je connais tes œuvres: tu n’es ni froid ni chaud. Plût à Dieu que tu fusses froid ou chaud !
Aussi, parce que tu es tiède et que tu n’es ni froid ni chaud je vais te vomir de ma bouche. » Ap 3;15,16

Réessayons encore, une fois notre petit test. Prenez un stylo ou une fourchette, un petit objet, suspendez le du bout des doigts au dessus d’une table et maintenant redites à voix haute : Dieu si tu existes, empêche cet objet de tomber sur la table. Maintenant observez, si l’objet tombe sur la table c’est que Dieu n’existe pas, s’il ne touche pas la table c’est que Dieu existe. S’il n’est pas tombé et bien vous savez. L’objet est tombé ? Mince, vous l’avez encore lâché.