Le sein maternel : origine de l’amour et de l’homme

Cet article est une mise en garde. Il s’oppose frontalement au relativisme culturel qui considère la biologie et la nature comme un ennemi à abattre, et non plus comme une inspiration à transcender. Il y a quelques jours les premiers bébés OGM ont vu le jour. Le futur est déjà là et demain matin, les tous premiers bébés humains techno-ovipares, c’est à dire conçus sans passer par une femme, seront là. Ce qui suit doit nous permettre de comprendre l’enseignement de la nature au sujet de l’enfantement. Une leçon à laquelle les prochaines générations technophiles n’auront peut-être pas accès.

Le Poto Mitan est le centre dans le temple vaudou, éminemment sacré. Il représente aussi la mère protectrice.
Poto Mitan, élément sacré du vaudou, et représentation de la mère.

A une époque où la mode intellectuelle se pâme devant la théorie du genre, où l’égalitarisme des sexes repose uniquement sur une uniformisation, à un moment où la parenté cherche à se redéfinir à l’aune d’une science envahissante et d’une société du désir structurellement individualisée, attardons-nous sur cette pratique ringarde. Il faut dire que, dans cet artefact animal, se situe quelque chose de primordial, crucial pour l’avenir même de notre espèce, oups, pardonnez ma vulgarité, de l’Humanité. Il s’agit d’un moment de synchrèse entre nos monades animales et celles des anges, le genre de communion qui crée l’ambiguïté de la condition humaine, notre esprit et nos tourments. En d’autres termes, la reproduction vivipare conscientisée me semble être ce qui crée la spécificité humaine sur le reste du règne animal. Victor Hugo nous disait ceci : « L’instinct maternel est divinement animal. » Mais avant d’approfondir, laissez-moi vous proposer ma vision d’homme sur la chose, une vision machiste il en est certain, mais malheureusement peu sujette à trahir la vérité. Voilà, en tant que mâle je suis incapable de produire un enfant. Alors oui bien sûr ma semence est ce qui permettra à une femme d’enfanter, mais moi jamais je pourrai me démerder à faire un gosse. Pour en avoir un, à défaut de pouvoir le faire, il me faut un médium, une génitrice, une femme, enfin bref, une mère. Dans cette optique particulière, l’enfant est irrémédiablement lié à la femme jusqu’au point où, pendant la grossesse, j’ y vois une forme d’unité parfaite comme s’il s’agissait d’un seul être, comme si le jour de la naissance deux personnes allaient naître, un enfant et une mère.

Il y a d’ailleurs l’éternel doute du père, cette difficulté à comprendre qu’il s’agit de son enfant. Un instinct paternel difficile à acquérir et qui se fait par une sorte d’apprivoisement mutuel, comme avec un étranger. Car là où joue l’instinct, c’est bien ici, malgré le fait que nous intellectualisons parfaitement notre rôle dans la reproduction, celui-ci semble complètement nous échapper, nous regardons les femmes enceintes avec une sorte d’admiration mystique. Nous ne pouvons que les aider et en aucun cas les remplacer. Jusqu’à l’accouchement, ce passage séparateur entre l’intériorité de la femme et le monde extérieur, l’homme est face à une radicalité, il n’y peut rien. Tout ce processus naturel se passe sans lui, bien qu’il en soit l’instigateur, la machine qu’il a démarrée semble se mouvoir désormais d’elle-même. Inconsciemment, il imprime ce schéma. L’enfant procède de la femme.

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La Madone de Léonard de Vinci

Cette vision subjective pare la femme d’un atout incroyable et donc d’un devoir : celui d’être mère. C’est une vision à la fois objective sur le constat, c’est un rôle crucial, mais tout à fait impérieux sur la finalité qui en découle, la femme doit être mère et une bonne mère. De l’autre côté, la femme se vit déjà comment étant en capacité de devenir mère, qu’elle fasse le choix de le devenir ou non, la possibilité de produire un enfant fait partie de son univers de pensée. Elle a conscience que cela la caractérise. Bien plus qu’une différence de forme de sexe, de largeur d’épaule ou de taux d’hormone, la différence radicale qu’elle possède avec l’homme se situe dans cette capacité. Cette prise de conscience l’oblige à prendre position, à se construire en sachant cela. C’est tout un univers mental que la femme se tisse à ce sujet. Toute la différenciation sexuée naît de là. Lorsque une femme tombe enceinte, c’est finalement une vision mécanique de la relation à son corps qui se produit, tout se passe normalement (dans la plupart des cas), selon un schéma imprimé et maîtrisé.

Contrairement à l’homme, la femme ne se vit pas comme un être aux capacités surnaturelles. La maternité est pour elle un moment  d’un processus qu’elle a culturellement assimilé. Sa vision est beaucoup plus empirique. Sa subjectivité sera alors plus concrète, et son attitude simplement responsable. Cette vision, un brin blasée, ne considère pas l’importance de ce phénomène. Lorsqu’une femme découvre sa stérilité, elle va alors prendre conscience du miracle qui y réside et tenter, pour une partie d’entre elles, de contourner ce problème (adoption, PMA, etc).

A cause de cette capacité et de cette incapacité qui ne souffrent aucune relativité, l’homme et la femme sont séparés sur la question de l’enfantement de manière radicale. A cause de cette différence, qui n’est pas culturelle mais naturelle, l’homme et la femme ne peuvent avoir la même optique sur ce sujet. Lorsque l’enfant venant juste de naître se montre aux parents, la mère l’a déjà fait, porté, mis au monde et elle s’est préparée à ça, alors que l’homme ne l’a que… et bien… et bien rien… justement. Ces différences de rôles, d’optiques et de temporalités ne peuvent qu’aboutir à une profonde différence qualitative de l’amour que les parents peuvent porter à l’enfant. Les deux, soyons en certain, en tant qu’être empathique ont toute la possibilité de donner quantitativement de l’amour et de l’attention à ce petit être.

Mais la mère, et je précise, biologique, elle, peut donner qualitativement quelque chose qu’aucun autre parent ne peut donner, que ce soit le père ou des parents adoptifs. En effet, un enfant dans le ventre de sa mère commence déjà à tisser des liens. Si la mère l’abandonne à la naissance, celle-ci sera rupture au lieu d’être continuité. Neuf mois passés ensemble de manière imbriquée sachant que de sa propre vie et de ses propres actes dépendent la vie de celui qu’elle porte, la femme prend aussi pleinement conscience durant cette période de la continuité organique de son propre être dans celui de l’enfant. Cette grossesse, puis l’accouchement, impliquent la souffrance et engagent le pronostic vital de la femme. Ceux-ci sont forcément vécu comme un sacrifice. De plus, la mère ressentant la souffrance de l’enfant et celui-ci de la sienne propre, le caractère même de la prise de conscience d’autrui et la définition littérale de l’empathie ne sont plus de l’ordre théorique mais concret et pratique dans cette expérience unique. Dans l’ambiguïté du sein maternel, se situe l’alter et l’ego.

L’homme et les parents adoptifs sont tout à fait étrangers à ceci. La mère biologique, soyons clair, est durant tout ce processus soumise à la nature. Cette soumission a bien des égards peut-être mal vécue, et même reniée. C’est le caractère naturel et primordial de ce lien qui me pousse à penser à son importance.

le meilleur des mondesSi l’on se met un instant du côté de l’enfant, celui que nous sommes tous, réalisez-vous à quel point votre rapport à vous-même et aux autres serait différent si, au lieu de procéder d’un autre être humain, vous auriez été conçus par une machine ? Si tel est le cas, à quoi bon la famille et l’hérédité ? L’eugénisme triompherait bientôt avec les batteries de production d’enfant. Le Meilleur des mondes à nos portes.

Cette responsabilité de la mère envers l’enfant, ce lien indéfectible et si peu descriptible, surtout pour un homme, me semble effectivement être d’une importance cruciale pour notre espèce. C’est un lien animal et même vivipare qu’il faut savoir respecter. L’enfantement demande à la mère une nécessaire attention à son sein, à cet être faible dans sa chair. De cette importance donnée à l’enfant, ainsi qu’au phénomène, découle ce que nous appelons « l’amour »

Ainsi les qualités d’abnégation, de conscience de son « alter-ego », d’affection, de sacrifice, de présence, ont une origine commune dans ce lien originel, entre ces deux êtres qui ont cohabité. Ces paroles de la part d’un homme peuvent paraître méprisante et imposante auprès des femmes. Pourtant, il s’agit ici d’un acte d’humilité. Étranger à cette capacité particulière, je prends totalement conscience du mystère inatteignable qui y règne. Je ne veux pas voir demain une humanité où ce mystère ne serait connu de personne, celle d’une humanité où la fécondité serait considérée comme abjecte et délaissée à la technique, à la machine. Marginaliser ou relativiser l’importance du lien entre la mère biologique et l’enfant c’est donc prendre le risque d’une humanité où les valeurs susnommées seront réduites à des « constructions  culturelles» puis finalement ringardisées et abandonnées, soumises aux aléas de la mode.

Toute la capacité que nous avons donc d’empathie pour notre prochain et pour nos enfants s’inspire de cet amour primordial, inspiré de la nature, si bien qu’un couple adoptif, ne fera que reproduire des valeurs qu’il a lui-même acquis à partir de la représentation que l’on se fait d’un être parfaitement aimant et attentionné : une mère. Mais pour pouvoir inspirer, ce modèle doit continuer à réellement, et largement, exister.

Pour finir, si l’argument naturel ne vous a pas convaincu, écoutons l’histoire de nos langues. Dans la lointaine Sumer, une mère se disait « ama », un mot du fond des âges qui ne quittera jamais le langage parlé . Il deviendra une expression déclinée entre chaque pays et chaque culture : maman, mama, haha. En grec ancien, il prendra le sens « d’ensemble », « d’amalgame ». En latin, il évoluera pour donner naissance au mot que nous utilisons encore tous aujourd’hui : « amour ».