Vent n’est pas tempête, comme fessée n’est pas lynchage. Le Conseil de l’Europe n’a pas dû saisir cette nuance puisque l’instance a sommé la France de faire interdire la fessée avec autant de ferveur que les actes de maltraitance. « Celui qui aime son fils lui donne souvent le fouet, afin de pouvoir finalement trouver sa joie en lui », affirme de son côté l’Ecclésiastique.
C’est un fait, la fessée n’a jamais tué personne. « La douloureuse stimulation de la peau des fesses » comme disait Freud, n’a jamais rendu un mouflet handicapé ou cul-de-jatte, à moins qu’elle ne fût pratiquée à l’aide d’une batte de baseball (l’utilisation de ce type d’instrument à cet effet reste cependant fort marginale). Oui, la fessée se distingue de la maltraitance car le parent qui prend le temps de cambrer la croupe de l’enfant fait preuve d’une délicatesse dont les bourreaux ne disposent pas.
Pourtant le débat est relancé : l’association britannique Approach a dénoncé la France au Conseil de l’Europe – dénonciation d’autant plus cynique que 50 Shades of Grey, cette apologie mondialisée de la fessée pour adulte, nous vient de la plume de l’une de ses compatriotes. Le Conseil de l’Europe ordonne donc à la France de respecter l’Article 17 de la charte européenne des droits sociaux et de légiférer sur une « interdiction suffisamment claire, contraignante et précise des châtiments corporels ». Tollé général : cela inclut la fessée. Ainsi, la fessée serait devenue, sans que l’on m’avertisse, un châtiment corporel ?
La fessée : un acte davantage symbolique que punitif
Une fessée sur le popotin n’est pas une bourrasque dans la tronche, entendons-nous. Il existe une hiérarchie dans la violence que l’on peut évaluer à partir des mêmes principes que Freud, lorsqu’il distingue le normal du pathologique, c’est-à-dire à partir de la fréquence et de l’intensité.
Lorsque Jean-Jacques Rousseau, dans le premier livre des Confessions, raconte sa première fois à huit ans, c’est bien d’une fessée dont il est question. Il écrit : « Il fallait même toute la vérité de cette affection et toute ma douceur naturelle pour m’empêcher de chercher le retour du même traitement en le méritant ; car j’avais trouvé dans la douleur, dans la honte même, un mélange de sensualité qui m’avait laissé plus de désir que de crainte de l’éprouver derechef par la même main ».
Bien sûr, tous les salopiots n’en réclament pas davantage, la plupart de ceux qui refusent, par exemple d’avaler leur soupe, se contentent du fameux « tu la vois celle-là ?! » ; cet épouvantail s’agite comme une preuve que la fessée a une portée d’abord symbolique. « Vous savez la meilleure des fessées c’est celle qui n’est pas donnée, c’est comme la dissuasion nucléaire », explique l’un de nos politiciens avant d’ajouter « c’est l’arme qui dissuade et qui n’est jamais utilisée ». La question n’est pas tant la valeur éducative de la fessée qui, on le sait, n’a jamais fait d’une teigne un enfant de cœur, que celle des limites et des contraintes, la question des résistances que doit poser l’éducation pour que l’enfant intègre les interdits. Va sans dire que cela permet aussi au parent de soulager son exaspération.
Une éducation qui se fait sans limites, sans contraintes, cette éducation que notre époque veut nous fourguer comme un cadeau empoisonné, est un pas de plus vers la destruction, la déconstruction d’un modèle traditionnel sans qu’il n’en soit proposé un autre.
Le rôle de l’État est de légiférer sur les châtiments, non sur les fessées
Oui, il est du devoir de l’État de « protéger l’intérêt de l’enfant », c’est en ce sens que l’état civil de Valenciennes a récemment refusé que des parents infligent à leur nourrisson des prénoms tels que Fraise ou encore Nutella. Cette ingérence dans la sphère familiale se justifie dès lors que l’intégrité de l’enfant est menacée et qu’une situation de type « ramène ta Fraise » devient prévisible.
Le cas de la tapette sur la fesse est différent. Elle ne menace pas l’intégrité de l’enfant puisque 80% des parents français avouent en avoir déjà eu recours et que 80% des parents ne sont pas des êtres assoiffés de sang. Légiférer sur la fessée en l’interdisant aux parents, c’est réaffirmer ce glissement de la responsabilité de l’éducation des parents vers l’État. Principe furieusement illégitime parce que l’éducation au sens strict, n’est pas une affaire d’État et encore moins « une priorité d’État », comme le souligne le président de la République. L’État finance les écoles, rémunère les maîtres qui enseignent l’histoire et la géographie, mais l’éducation se fait d’abord à la maison, en ce sens la fessée est une liberté presque fondamentale. L’autorité des parents ne doit pas se substituer à l’autorité de l’État. Cependant, on voit de plus en plus la justice prendre le pas sur l’éducation. Elle légifère et encadre toujours plus, réduisant les libertés individuelles telle une peau de chagrin.