La « vérité vraie », comme tout le monde sait, ne sort que de la bouche des enfants. Il n’est pas étonnant que cette vérité quasi inexistante médiatiquement sur les attentats de Charlie Hebdo germe crûment de l’encre acide du sale gosse de la littérature française : j’ai nommé l’affreux Marc-Édouard Nabe ! « La vérité vraie », ça n’est pas moi qui le dis, mais Sylvia Lebègue, dernière compagne du Professeur Choron.
Il a publié ses premiers dessins dans Hara-Kiri, en 1974, à l’âge de 15 ans et demi. Il a ensuite régulièrement fréquenté la fameuse rue des Trois-Portes au milieu des années 80 comme il le relatait dans son journal (intime) à lui. Nabe était la personne qui devait écrire sur tout cela. Lancé en décembre dernier, son nouveau magazine intitulé Patience, en référence à l’attente que suscite son prochain livre (2000 pages, de quoi faire complexer Houellebecq et Moix !) sur le conspirationnisme, était le support idéal. Après « Daech pour les nabiens, autant dire pour les nuls » (Patience 1), voici Charlie Hebdo pour les nuls, autant dire pour les nabiens (Patience 2, donc) ! En réalité, il serait plutôt destiné à tous les connards qui ont parlé de Charlie sans rien savoir de l’histoire de ce journal, qui ont manifesté le 11 janvier dernier pour la liberté d’expression, et qui se sont rués dans les kiosques pour acheter le numéro post-mortem. Mais comme cela vient d’être mentionné : ils sont déjà foutus. Nabe a mis les bouchées doubles pour ce numéro deux : deux colonnes, deux fois plus de textes, deux fois plus d’images, donc deux fois plus de joie ! Patience 2, c’est du pur Hara-Kiri : j’imagine très bien les bien-pensants actuels le lire, comme ceux de l’époque parcouraient les chefs-d’œuvres hebdomadaires de Choron et Cavanna, en se disant : « jusqu’où vont-ils aller ? » Cherchez plus loin encore, borgnes coincés… Il fallait que la littérature cloue au pilori tous les infâmes qui furent « Charlie » lors de ce mois de janvier 2015. C’était son devoir même. Les plus simples d’esprit croient qu’Internet favorise la mémoire des événements et de ce qu’il se passe en général, ce qui est totalement faux. Sur le Net, comme à la télé et dans tous les médias, une actualité chasse l’autre et la crétinerie peut aller en toute impunité. La marche du 11 janvier, soi-disant historique, mais réellement léthargique, ne restera dans l’histoire seulement parce que Nabe l’a décrite aussi ignoblement qu’elle fut. Trop sympa, Marc-Édouard ! « Moi je travaille, entre autres, à retenir la vérité de la mémoire afin que le passé ne soit pas déformé par les circonstances du présent, je veille à ce que chaque époque conserve son goût exact. »
Textuellement fort
Beaucoup ont évoqué le racisme de Charlie depuis 1992, son islamophobie croissante depuis le 11 septembre, mais sans jamais rien prouver : c’est désormais chose faite ! Et même, plutôt qu’islamophobe, Nabe démontre aisément que Charlie était carrément « anti-arabe, comme tout Français ». Le travail que tout journaliste aurait dû mener depuis belle lurette, ou au moins depuis le 7 janvier 2015, il se l’est coltiné ! Chaque numéro a été passé à la loupe (au microfilm, pour être tout à fait exact)… Qu’ils osent encore défendre le journal emmené par des pyromanes bien brûlés aujourd’hui, en brandissant le nombre de unes sur l’islam comme un étendard ! Et l’intérieur du torchon, il compte pour des prunes ? Nabe retrace donc, année par année, tous les dessins de Charlie Hebdo depuis 1992. 41 pages, sans la moindre illustration. Juste la description pure et simple de l’idéologie dégueulasse qu’ils ont propagée (ou propagandée) pendant 23 ans. Et de pire en pire, jusqu’au bout. Si les gens ne savent pas ce qu’ils font, par ignorance et bêtise interminables, leurs actes décrivent ce qu’ils sont. Comme dans ses journaux intimes, dans lesquels il reproduisait toutes les lettres (d’amour, de haine) qu’il recevait ainsi que tous les articles qui chroniquaient sur ses livres (éloge, mépris), Nabe a pris le parti de l’exhaustivité. S’il passe en revue tous les dessins et textes (incri)minables, il ne fait pas l’impasse sur les chefs-d’œuvres parus. Inutile de préciser qu’ils étaient tous signés par les « vieux génies » qu’étaient Gébé, Wolinski ; que sont Siné, Willem… Ce qui n’excuse pas leur capacité plutôt dramatique et impardonnable à supporter de se retrouver aux côtés de dessinateurs « puceaux du trait » (Charb, Luz, Riss…) et surtout derrière les éditos puants d’un patron autoritaire (Val) !
Nabe nous fait revivre les « grands moments » de Charlie post-Choron. On assiste à tous les coups : ceux portés par trahison « d’amis » à « amis », ceux des anciens répondant grandiosement (et inconsciemment) aux crachats vulgaires et insignifiants des jeunes sur tout ce que leur ordonna Val, et surtout, tous ceux portés, au fil des années, aux musulmans et aux Arabes. Page après page, ligne après ligne, on ne peut qu’observer la descente aux enfers ou la montée dans la nullité de cet ex-grand nom de la presse satirique devenu riquiqui : Charlie Hebdo. C’est une dérive longue et douloureuse entraînée par le repreneur Val et poursuivie et aggravée par l’ex-amant de Jeannette Bougrab, « la veuve poignante ». L’évolution de Charlie Hebdo, ça a été l’effeuillage d’une marguerite : anti-arabe un peu… anti-arabe beaucoup… anti-arabe passionnément… anti-arabe à la folie…! Incapables d’arracher le dernier pétale ces petits ânes par contre ! Tout cela a été largement facilité par la maladie puis le décès de Gébé, l’éviction de Siné, l’individualisme de Willem, la connerie de Cavanna, l’alzheimer de Wolinski, la stupidité, l’ingratitude et la lâcheté de Cabu… Le véritable Charlie Hebdo (décédé en 1981, paix à son âme), petit frère d’Hara-Kiri, se prenait des tas de procès dans la gueule, mais intentés par les puissants, pas par les plus opprimés… Ça aurait dû leur mettre la puce à l’oreille, à Cavanna et consorts. Mais non, tous trop « cons » bien sûr. On sait que l’âge entraîne des problèmes d’audition, certes… Pourtant, il fallait être aveugle pour ne pas voir que ça avait changé ! Pour ceux qui comprennent vite mais à qui il faut expliquer longtemps, Nabe utilise les grands moyens pour démontrer son propos : sur une double page, une couverture antioccidentale de Reiser d’un côté, et sur sa voisine, une anti-arabe de Cabu. Si ça n’est pas encore clair, trois unes « lumineuses » de Reiser sont décortiquées. Ce que révèle le « seul dessinateur puceau d’Hara-Kiri » (dixit Reiser lui-même) et c’est la différence fondamentale entre les deux « Charlie », c’est que Reiser dans ses dessins exprimait à la fois la pensée du raciste mais aussi celle de l’Arabe : « ça, c’est la liberté d’expression ! »
Visuellement grandiose
La couverture… Cette splendeur de couverture… Au-delà de l’idée de représenter le führer avec la fameuse pancarte « Je suis Charlie » (la une qu’auraient dû faire les « nouveaux Charlie » !), cette image en noir et blanc frappe fort. Aussi fort qu’un Kouachi ? Le regard des officiers SS, derrière leur dictateur, à la fois sûrs d’eux et tétanisés, quel magnifique portrait des manifestants du 11 janvier ! Et tous les photomontages sont divins. Celui du cercueil en bois blanc de Tignous : à se tordre ! « Tignouf » (dixit Finkielkraut) ne se gênait pas pour rajouter des mouches − mouches loin de celles, ô combien plus poétiques, que décrivait Jean Genet sur les cadavres de Sabra et Chatila… − autour des Arabes qu’il dessinait, quoi de plus logique que d’en accoler à son cercueil ? Si la phrase Nabienne est toujours aussi bien aiguisée, ses visuels n’en sont pas moins acerbes et n’ont pas à rougir. Les captures d’écrans, toutes plus justes les unes que les autres ! Les regarder suffit, pour tout esprit clair, à comprendre Charlie Hebdo et les attentats : les frères Kouachi levant les armes au ciel en sortant dans la rue Nicolas-Appert, les larmes qui ne coulent pas de Philippe Val sur France 5, celles qui ne cessent de couler sur toutes les chaînes de « Pelloux la pleureuse », Coulibaly et sa femme, « l’équipe » des bouffons de Charlie à Cannes en 2008, Charb faisant le malin déguisé en djihadiste devant sa webcam, Maris dans le film de Godard, « Le Jour du Seigneur » avec le panneau « Je suis Charlie » en coin, et enfin, celle de l’émission consacrée à la disparition de Charlie Hebdo en 1982 chez Polac sur laquelle on peut voir au premier plan Cavanna, se prenant la tête dans ses mains, plein de regrets (déjà !), à côté de Valérie Mairesse, Serge Gainsbourg, Renaud et Jean-François Kahn, et dans le fond, le sublime Professeur Choron, debout, cherchant à réveiller son esprit dans les petits esprits de ses anciens collègues… Choix parfaits et remarquables de précision ! Hara-Kiri n’aurait pas fait mieux. Un mot sur les deux dessins inédits (Sourate de L’Araignée et Choron de dos disparaissant dans sa fumée) dont nous gratifie l’auteur : somptueux.
Planquez-vous, veules médias !
Le « double discours », que tous les médias foutent sur le dos de Tariq Ramadan, est plutôt dans leurs sales bouches remplies de caca sur le sujet qui « fâche » : l’islam. Autrement dit : les Arabes. D’une main : « tous les musulmans ne sont pas des terroristes » et de l’autre : « tous les terroristes sont Arabes » ! Oui, quand c’est un blanc l’auteur d’une tuerie, l’appellation « terroriste » est proscrite. Nabe remémore le « grand » débat chez Ruquier suite aux attentats, avec Onfray face à Caron. Quand l’un citait des extraits violents du Coran, l’autre répondait avec des « sourates plus bienveillantes […] Coran gentil contre Coran méchant ! » Il n’y avait pas mieux que ces deux blaireaux absolument nuls sur le sujet ? Dans cette époque ou les vestes se tournent et se retournent comme l’on change de chemise, on ne peut qu’apprécier la cohérence et la droiture nabiennes. Qu’il lave son linge sale en public ne devrait pas rebuter tant de personnes… Nabe a toujours assumé ça : dire ce qu’il pense de ses amis − n’oublions pas que c’est un enfant ! − quitte à les perdre. La littérature au-dessus de l’amitié. Que les petits sous-hommes de lettres, qui ne vivent (publient) que grâce à des pseudos-amitiés, en prennent de la graine ! Ce n’est pas de sa faute si Frédéric Taddéï, qui pourtant prétend être totalement libre sur France Télévisions et offrir à ses téléspectateurs toutes les opinions, vient lui expliquer qu’il ne pourra plus l’inviter sur certains sujets. Nabe devrait garder ça pour lui ? Devrait-il applaudir que Philippe Vuillemin, avec qui il a partagé entre autres les aventures La Vérité et L’Éternité, que l’on croyait éternellement choronien, se remette nullement à dessiner pour Charlie ? Alors il agirait aussi bassement que les connards qu’il prétendrait combattre…
La vengeance de Choron ! et des Arabes ! et de Nabe himself !
C’est le titre de ce numéro : La Vengeance de Choron ! Dans la continuité du film de Pierre Carles et Éric Martin, Patience 2 vient donc rendre à Choron tout ce que l’on a attribué à ceux qui l’ont enculé ! « Paix à sa grande âme ! Et guerre aux petites qui l’ont fait crever ! » Un des clichés sur le Professeur largement répandu par Cavanna, relayé volontiers par Cabu et Wolinski, c’est la gestion financière soi-disant pas viable de George Bernier, qui fût soi-disant une des causes de la mort de Charlie Hebdo en 1981. Dans sa « gérance d’une affaire difficile comme Charlie Hebdo/Hara kiri », il fallait être un artiste, et pas des moindres ! Le meilleur, même… C’est plutôt la faute de Cavanna, avec son idéologie à la noix, si Charlie a coulé au moment même de l’élection de la « gauche » de Mitterrand à la présidentielle ! Difficile de rester subversif lorsque l’on se retrouve du côté du pouvoir : car Cavanna était bien de gauche, comme Wolinski et Cabu, contrairement à Choron, Reiser, Vuillemin… L’idéologie, c’est la plaie de l’époque. En un mot, Nabe résume celle d’aujourd’hui : « communionisme ». Attention, haute dose de vérité à suivre : « Ce n’est plus la « pensée unique » qui règne, mais la « pensée unie » ! Les médias continuent à ne pas se rendre compte qu’il y a des millions de gens qui ne supportent plus que ce soient toujours les mêmes à qui on donne la parole. Gauchistes de droite et fascistes de gauche sont tous d’accord pour juguler toute parole discordante. » En plein dans le mille !… Comment peut-on encore faire le reproche à Nabe d’écrits douteux, aujourd’hui en 2015 ? Les journalistes n’ont pas honte ! De Natacha Polony aux minables actuels qui ne cessent d’émettre des éloges du minable Yann Moix, sachez qu’en ne lisant pas Nabe (car bien sûr, ils ne l’ont jamais lu), vous passez à côté de la littérature actuelle. On sait bien que vous n’avez jamais fait autrement, mais quand même… Vous êtes censés transmettre la parution d’une œuvre d’un créateur contemporain : c’est un minimum sur lequel vous vous asseyez, et vos anus le paieront un jour ou l’autre !
« Quand on parle toujours selon son point de vue, c’est facile de se persuader d’avoir raison. » C’est justement l’inverse que fait Nabe, qui n’est, il faut le préciser, ni Arabe ni musulman : se mettre à la place de tous les Arabes du monde qui ont reçu chaque semaine toutes ces insultes, ces blasphèmes, ces humiliations en pleine gueule ! Sans pouvoir répondre… Ça sera difficile de nier dorénavant. Nabe, c’est un Che Guevara des lettres : plus du côté des opprimés, des faibles, des miséricordieux, des persécutés, des asphyxiés, tu meurs ! De faim, forcément. À chaque coup porté à l’islam, et Allah sait qu’il y en a, Nabe prend sa part. Sa riposte s’appelle Patience 2, et elle est plus violente encore que les attentats qui ont eu lieu. Pari réussi, Marc-Édouard : toute personne honnête faisant une lecture honnête de La Vengeance de Choron ne peut que comprendre les agissements des Kouachi. L’honneur de Choron, des Arabes, de Nabe, est sauf. Que de « nazislamistes » nous sommes !…