Loin de rendre compte de la ligne éditoriale antimoderne de PHILITT, l’article d’Ariane Chemin paru dans Le Monde ce mardi a un mérite : il permet d’offrir un frisson à certaines consciences de gauche dont Sylvain Bourmeau, journaliste à France Culture, se veut l’éminent représentant. Avec 80 ans de retard, il traque les chemises noires et en profite pour recycler les thèses fumeuses de Zeev Sternhell.
La paranoïa antifasciste n’est pas une maladie grave, mais, comme le syndrome Gilles de La Tourette, elle fait tenir des propos déplacés à des gens très bien. Ainsi, ce pauvre Sylvain Bourmeau, membre influent de l’intelligentsia et journaliste pontifiant à France Culture, distingue la résurgence du fascisme dans la description approximative faite par sa collègue du Monde des revues PHILITT, Limite, Le Comptoir, Accattone et Raskar Kapac. Pour étudier l’affliction de ce monsieur, il suffit de visualiser les nombreux tweets courageux dont il nous a gratifiés.
L’historien Zeev Sternhell nous expliquerai que ça s’appelle tout simplement le fascisme. https://t.co/gGB99urkbs
— Sylvain Bourmeau (@bourmeau) 11 janvier 2017
Même si cette maladie mentale semble faire naître chez lui un fasciste chaque jour que Dieu fait, nous voulons rassurer le pauvre homme. Aimer la littérature, critiquer la modernité, valoriser la spiritualité contre le matérialisme, se sentir proche de certaines valeurs traditionnelles ne fait pas de nous des membres de l’œuvre nationale Balilla de Mussolini. En 2013, Pierre Jourde remarquait que « le camarade Bourmov, commissaire politique aux affaires culturelles dans Libé » partageait le monde des idées entre deux catégories : les progressistes et les réacs. Trois ans ont passé et il semblerait que la maladie ait gagné du terrain, l’ex-journaliste des Inrocks ne catégorise plus le monde qu’entre progressistes et fascistes. À n’en pas douter, pour Bourmeau, le socialiste Péguy, le républicain Barrès, le moderne Flaubert ou encore le royaliste Bernanos sont des fascistes puisqu’ils partagent une même défiance vis-à-vis de l’idéologie des Lumières. Michéa, dont il est question dans l’article incriminé et bien qu’il ne soit pas une figure tutélaire de PHILITT, se réclame quant à lui d’un socialisme libertaire hérité de Leroux et Proudhon. Les thèses très controversées de Zeev Sternhell avaient au moins le mérite de s’appuyer sur une grande érudition et une fine intelligence, choses dont le pauvre Bourmeau est visiblement dépourvu…
Dans le texte de @ArianeChemin, il y a bien sûr des guillemets à « conservateurs » : ces gens sont réactionnaires et d’extrême droite. https://t.co/oYtn1qF6G7
— Sylvain Bourmeau (@bourmeau) 10 janvier 2017
Ainsi, dans ses livres polémiques, Sternhell développa un concept de fascisme extensible et sans limites. Michel Winock, dans Un fascisme français ? réfute les thèses de l’historien israélien et ironise sur ces portraits à charge de « fascistes sans le savoir ». Visiblement, Bourmeau, a bien appris la leçon sternhellienne et étend à l’infini le concept de fascisme afin de discréditer toute pensée plus subtile et moins progressiste que celle de Libé ou des Inrocks. En rangeant des revues aussi diverses dans le même sac fasciste, Bourmeau fait preuve d’un « confusionnisme » que nous devons dénoncer. Aveuglé, l’homme pense pourtant sauver l’honneur de la profession lorsqu’il déclare sur Facebook : « À la différence des feuilles minables de ces confusionnistes d’extrême droite, France Culture est un grand média pluraliste. »
La pensée gloubiboulga de Jean-Claude Michéa se caractérise d’abord par un confusionnisme typique de l’extrême-droite.
— Sylvain Bourmeau (@bourmeau) 11 janvier 2017
Nous conclurons par une mise au point du grand historien Serge Berstein qui a donné plusieurs entretiens à PHILITT et qui a, lui, quelques solides notions en matière de fascisme : « Il était tentant de rapprocher la crise française actuelle qui combine des mutations mondiales bousculant idées et situations ancrées dans les consciences et les habitudes et dépression économique importante et de longue durée du dernier exemple historique connu, celui de la crise des années 30 dans laquelle on peut mutatis mutandis retrouver les mêmes ingrédients (qui sont aussi ceux des crises précédentes). Pour autant, on atteint vite les limites de ce rapprochement facile, mais artificiel. Il n’y a pratiquement aucune ressemblance entre la société des années trente et celle du début du XXIe siècle, ni dans ses structures, ni dans ses modes de vie, ni dans sa culture. »