Sans être sanglante, la nuit était déjà là

Le lendemain des attentats du 13 novembre 2015, nous avons reçu ce billet d’un ami. La rédaction de PHILITT a décidé de partager ces quelques réflexions, écrites « à chaud ».

Que s’est-il passé, que se passe-t-il ?

Un ami qui habite dans le XIe, près du boulevard Voltaire, à qui je demandais ce matin comment allait sa famille, me répondait : « Ça va, je rentre de Maiduguri [ndlr : au nord-est du Nigéria] (c’est un spécialiste des « conflits » en Afrique), là-bas, il y a des attentats chaque jour. »

Premier élément de réponse : le monde n’est pas soudain devenu le théâtre d’un déchaînement de folie meurtrière : il l’est depuis un bon moment ; seulement, jusqu’à présent, nous nous croyions protégés. Il est assez normal que nous ne le soyons plus : nous allons voir où en est le monde, ce que ne savaient jusqu’à présent que ceux qui voyagent les yeux ouverts (ils ne sont pas nombreux).

Attentat à Maiduguri le 22 juin 2015
Attentat à Maiduguri le 22 juin 2015

Ce premier élément de réponse amène une question : le monde a-t-il toujours été ainsi ? Si l’on pratique les méthodes des sciences humaines (quand elles réalisent leur ambitions, c’est-à-dire lorsqu’elles appliquent les mathématiques à la description de ce qui n’a rien de mathématique), on est tenté de répondre « oui ». L’ami de ce matin n’est-il pas le même qui me disait, fort de ses décomptes, que les temps modernes ne sont pas plus meurtriers que les temps anciens ? Et Dieu sait qu’il y a eu des massacres de gens sans défense, depuis des siècles et des siècles. Je lis les mémoires de l’empereur Babur : on en faisait des pyramides de têtes coupées ! Et Alexandre, le grand, crucifiant deux mille Phéniciens ? Et les Mongols et leurs « records » encore inégalés ? Et les Allemands exterminant les Prussiens au nom de la foi (on a si bien rayé de la carte les anciens Prussiens, tardivement pourtant, que l’on ne sait presque rien d’eux, à part qu’ils parlaient une langue balte), etc.

Alors, rien de nouveau ?

Désespoir et perte d’identité

Si, je crois bien qu’il y a du nouveau. La cruauté n’est pas nouvelle. Le désespoir ne l’est pas vraiment. Le désespoir universel l’est tout à fait. Désespoir des tueurs autant et plus que des victimes : j’imagine que cela n’était pas ainsi dans les massacres d’antan.

Le monde est plongé dans le désespoir. Partout, la vie est sans espoir. Nulle part, la vie n’a plus de sens. Comme succédanés du sens perdu : l’enrichissement, la réussite sociale, la consommation. Les sociétés ont perdu tous leurs repères : plus de dieux, plus de bien suprême au-delà de nos vies décevantes, plus de dévotion pour le bien, le beau, le juste. Plus de don de soi, plus de paix du cosmos au-delà des douleurs des hommes.

Pour ceux qui le peuvent, il reste le cercle familial, l’espoir que les enfants « s’en sortiront bien ». Ça ne suffit pas tout à fait à faire vibrer la vie. Et quand de cela même on est privé, c’est-à-dire quand on n’a d’autre perspective que de survivre mal dans un monde sans signification où ses enfants survivront aussi mal, c’est le désespoir absolu, au milieu de la laideur des villes qui ne sont qu’informes banlieues irrespirables (au propre et au figuré), quand ce n’est pas dans les bidonvilles, sur les ordures. Sans aucune perspective. C’est la vie du monde entier : en Inde, en Angola, en Irak, à Ghazza ; là où l’on dit que ça va mal, mais aussi là où l’on dit que ça va bien…

La perte du sens, cela s’appelle aussi le déracinement, la perte d’identité. Percevoir la beauté du monde et de la vie, aimer les humains, c’est universel. Mais on n’accède à l’universel que par des voies particulières (ainsi, le sens du beau est universel, mais on ne le perçoit qu’au travers de sensibilités esthétiques particulières, qui sont des héritages, que nul n’est capable d’inventer tout seul ; d’où la laideur qui envahit le monde quand les cultures meurent). C’est cela les identités (mot que j’emploie à peu près comme un synonyme de « cultures ») : des voies particulières d’accès à l’universel. Ce ne sont pas les identités qui sont meurtrières, c’est leur perte. Partout, les civilisations sont mortes et les humains sont privés de sens. Alors le désespoir peut faire d’eux des meurtriers désespérés.

Il y a toujours eu des miséreux, mais aujourd’hui même les riches sont misérables. J’ai commencé à le comprendre quand je vivais en Arabie saoudite. Quelle misère que d’être riche dans ce pays : un palais immense sans intimité, sans beauté, malgré son prix, et rien dedans : des machines de luxe, des vidéos, de la drogue, et autour le désert : pas le désert de sable, la société devenue désert. Ce n’est pas très différent pour nos pauvres riches de la jet set, bien qu’ils s’efforcent de s’amuser.

Région du Ladakh (Inde)
Région du Ladakh (Inde)

Cette misère universelle, cette mort des civilisations, où l’on trouvait des voies vers le beau, le vrai, le juste, le bien, peut paraître, en bien des pays, une conséquence de l’expansion coloniale, de la domination occidentale. C’est en partie vrai, mais cette vérité relative cache un mystère : pourquoi des civilisations très supérieures à ce que l’Occident est devenu, n’ont-elles pas résisté, n’ont-elles pas défendu réellement leur sens de la vie ? Pourquoi les paysans du Ladakh, que je voyais, il y a peu, si souriants, si gais, seront-ils demain, de par leur propre volonté, des fonctionnaires qui s’ennuieront dans des bureaux sinistres et connaîtront à leur tour le désespoir moderne ? Le romancier nigérian Chinua Achebe a traité cette question, mieux que quiconque à ma connaissance, ou plutôt, il a montré cette question sans lui ôter son mystère.

La vie sans vie qui s’est répandue partout est, je crois, l’origine de cette rage meurtrière. Un désespoir qui tourne en rage : « Tuons-les tous, tuons-nous nous-mêmes ! » On peut habiller cela d’un discours idéologique de plus en plus minimaliste ou d’un discours prétendument religieux, ou d’un discours identitaire (une fois encore : l’identitaire ce n’est pas l’identité, c’est ce qui pousse sur le cadavre de l’identité quand elle n’est plus, mais que son cadavre encombre encore) : le discours compte peu, ce qui compte, c’est cette pulsion de meurtre qui est aussi suicide.

Il fallait bien que cela nous revienne: on ne pouvait continuer à se massacrer entre Africains, entre Orientaux, entre Indiens, entre Afghans, tandis que nous serions restés tranquillement à nous satisfaire de la fin de l’histoire à Paris-plage.

À vrai dire, cela ne va pas fort en Europe non plus : combien en connaissons-nous qui, sans souffrir de la misère matérielle, vivent une vie désespérée ? Pas d’autres perspectives que de s’acheter des biens de consommation que, en outre, on a de moins en moins les moyens de s’acheter ; ou des ambitions ridicules – devenir chef de quelque chose – … N’est-ce pas le quotidien de beaucoup et même de la plupart de ceux que nous croisons chaque jour et qui ont l’air de vivre correctement (parce que ces misères-là ne se voient pas) ?

Ne disons pas que la barbarie a déferlé sur notre monde heureux, que la nuit soudain est tombée.

Il n’y avait qu’une petite pellicule de tranquillité, de douceur de vivre apparente, pour nous protéger d’une nuit de sang, mais, sans être sanglante, la nuit était déjà là.

Il était inévitable que certains passent du désespoir passif de la vie apparemment normale, au désespoir actif et meurtrier. Les plus fragiles de notre société sont ceux qui n’ont plus aucun enracinement, plus aucun lien véritable avec un monde où la vie était bouleversante de joies et de belles tristesses. Ce sont souvent des enfants d’immigrés qui n’ont plus l’identité de leurs parents et qui n’en ont pas trouvé une autre dans une France qui ne croit plus en rien et surtout pas en elle-même. Il faudra répéter encore et encore, quand on aura identifié les tueurs, que ceux-ci, ayant selon toute vraisemblance grandi en France, sont des produits de la société française, que c’est son désarroi qu’ils révèlent, et non pas un supposé atavisme sanglant.

Pourquoi cela nous revient-il du Proche-Orient ?

« Il fallait bien que cela nous revienne. » Une question encore : pourquoi cela nous revient-il du Proche-Orient et pas d’ailleurs (car, on a beau savoir que les tueurs ont grandi en France, ils n’auraient pas agi s’il n’y avait, en Orient, des commanditaires) ?

Je n’examine même pas les explications essentialistes qui satisferont la grande majorité de nos compatriotes. « Ces gens-là sont comme ça, vous savez, et avec leur religion, en plus… » : beaucoup le diront, ceux qui ne le diront pas le penseront, et ceux qui ne le penseront pas, très peu nombreux, à un moment au moins, se demanderont s’ils ont tort de ne pas le penser. Pourtant, je crois inutile d’examiner cette explication ; je connais de trop près et de trop de façons le Proche-Orient pour ne pas savoir qu’elle ne vaut rien.

Les explications inverses (parce qu’elles ne connaissent que des accidents historiques alors que les précédentes voudraient tout expliquer par une essence permanente des peuples, anhistorique), qui nous font un cours de géopolitique de 2003 à 2015, ou de 1948 à 2015, ou de 1920 à 2015 ou de 1830 à 2015, etc… et qui expliquent les événements par des événements, sont plus recevables. Elles ont une part de vérité ; peut-être même sont-elles suffisantes. Cependant, il me semble qu’il leur manque quelque chose, qu’elles ne sont pas entièrement crédibles, qu’elles sont incomplètes.

Un exemple d'explication historique : "Les Arabes, leur destin et le nôtre", par Jean-Pierre Filiu
Un exemple d’explication historique : « Les Arabes, leur destin et le nôtre », par Jean-Pierre Filiu

Un complément d’explication doit être à rechercher dans le rapport entre l’Europe et ses proches voisins. C’est tout de même l’Europe, devenue plus largement « l’Occident », qui a été l’agent de la destruction du monde. Et cette action destructrice, sur ses plus proches voisins s’est exercée d’une manière plus évidente, plus directe, depuis l’occupation de l’Algérie jusqu’à l’occupation de l’Irak, en passant par tout ce qu’on sait, dont la Palestine, évidemment. L’Occident est l’ennemi du monde (et l’ennemi d’abord de sa propre culture), mais il n’est pas partout aisément identifié comme tel. Quand on l’a pour voisin – et quel mauvais voisin ! –, on le voit mieux.

De plus, ces deux civilisations, celle de l’Europe, celle du Proche-Orient, se ressemblent trop pour ne pas entrer en conflit. C’est le semblable qui est un rival, pas le différent. Ces deux civilisations se ressemblent énormément : même prégnance de religions aptes à se transformer en idéologies étatiques dès qu’elles se vident de leur spiritualité (contrairement à ce qu’on imagine, l’Occident n’est pas laïque : son idéologie post-moderne, devenue tout à fait officielle, est largement constituée d’ « idées chrétiennes devenues folles », comme disait à peu près Chesterton) ; même universalisme combiné avec le sentiment d’une supériorité sur les barbares à civiliser ; même besoin de se sentir membre d’une société forte, incarnée dans un État fort, voire conquérant, impérial ; même rôle des villes depuis des siècles, avec ce que cela implique de concentration du pouvoir, de sentiment de puissance, etc… Rien de cela n’est propre à ces deux voisins, mais cet ensemble de représentations n’est pas aussi répandu qu’on pourrait l’imaginer. Les deux civilisations se ressemblent trop pour n’être pas perpétuellement rivales. Pour chacune, la domination de l’autre, sa parente, domination réelle ou imaginaire, est perçue comme particulièrement humiliante.

On pourrait croire que je suis en train de soutenir l’idée d’une guerre des civilisations. Je ne crois pas aux guerres des civilisations. Les civilisations ne se font pas la guerre, car les civilisations ne sont pas des entités politiques, or la guerre, c’est de la politique (d’une certaine façon, c’est le geste suprême de la politique). Mais il peut y avoir entre elles une relation de rivalité, qui implique une ressemblance entre les rivaux, et qui peut être utilisée par des entités politiques décidées à se faire la guerre.

Je crois qu’il y a quelque chose à chercher dans cette direction pour comprendre pourquoi ce monde-là croit savoir que c’est l’Occident qui l’a détruit, et tourne vers lui sa violence. Les circonstances « géopolitiques » suffiraient presque à l’expliquer et on pourrait s’en tenir là, mais je crois qu’il faut aller, prudemment, un peu plus loin. Au demeurant, c’est un point sur lequel je suis loin d’avoir des certitudes ou même des opinions assez fermes.

Ce qui est clair en tout cas, c’est que, face à la destruction de leur monde, les Proche-Orientaux ne se résignent pas, ils enragent ; ils ne cherchent pas à s’adapter, à se faire petits pour devenir grands, devenir les meilleurs élèves du nouvel ordre (comme semblent le faire certains Asiatiques, dont la soumission à ce qui les a détruit étonne autant que leur conviction d’être demain les vainqueurs ; mais vainqueurs de quoi, pauvres gens ?) : les Proche-Orientaux préfèrent tout briser. D’autres peuples dont le monde s’effondre aussi réagissent différemment.

Sommes-nous en guerre ?

À vrai dire (encore une question et ce sera tout pour ce soir), est-ce bien une guerre ce qui arrive maintenant ? Tous les journalistes le disent, tous les politiciens le disent : il est donc probable qu’il n’en est pas ainsi.

Dans une guerre, il y a des adversaires, dont chacun a des objectifs (le plus classiquement, c’est la conquête territoriale), qu’il cherche méthodiquement à atteindre. La guerre s’arrête quand les objectifs sont atteints ou quand il apparaît qu’ils ne pourront pas l’être.

Ici, rien de semblable. Quel objectif ont les Français ? Rester tranquille ? Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’on s’y est mal pris ; et ce n’est pas vraiment un objectif, si ce n’est en mode négatif : « Que rien ne change, surtout que rien ne change. »

Combattants de Daech
Combattants de Daech

Mais les islamistes n’ont pas d’objectifs à atteindre, eux non plus. Que cherchent-ils ? À conquérir la France ? Sûrement pas. À l’obliger à ne plus agir au Proche-Orient ? Mais elle n’y fait rien, elle y est un acteur négligeable. Se venger ? Ce n’est pas un objectif militaire. Et au Proche-Orient même, quels objectifs ont les furieux de « l’État islamique » ? Bâtir une puissance qui va subjuguer les autres ou au moins se créer un territoire durable ? Je n’y crois pas ; plus exactement, je ne crois pas qu’ils y croient. Ils savent bien qu’ils ne pourront rien faire de plus que le chaos. On se représente les « jihadistes » comme les illuminés d’une foi optimiste qui croient à la victoire ; je ne crois pas du tout à cette représentation, bien que ce soit l’image qu’ils cherchent à donner d’eux-mêmes. Je les vois comme des désespérés enragés : le suicide meurtrier est leur mode d’action le plus typique. Ce n’est pas un mode d’action pour optimistes.

Ce qui arrive n’est pas une guerre, entreprise cruelle mais rationnelle : c’est un déferlement de haine, de haine désespérée ou plutôt de désespoir tourné en haine. C’est précisément ce qui fait peur ; tellement peur que nous préférons appeler cela une guerre : c’est plus rassurant, cela ressemble encore à ce qu’on connaît depuis toujours. À ce désespoir haineux, nous saurons probablement répondre par le désespoir haineux. Mieux vaudrait une guerre.

Un cocktail « explosif » et une question délaissée

Il faut essayer de penser tout cela.

Pour le penser, il faut partir de son émotion, ne pas la laisser s’affaiblir, en approfondir le sens, au contraire.

Mais il faut absolument prendre du recul par rapport à tout ce qui va se dire : ce que vont dire les politiciens, les « penseurs » publics, la presse, les réseaux sociaux : on sait déjà que tout cela sera faux, que ce ne seront que des interprétations de surface visant à se cacher la profondeur du drame.

On dira : « C’est une guerre » : ce n’est pas une guerre.

On dira : « On s’en prend aux valeurs de la république » : ce n’est pas vrai. Croit-on sérieusement que les islamistes se sentent menacés par des « valeurs » dont il est manifeste que nous les abandonnons chaque jour ? Croit-on sérieusement que si la France était une dictature, elle ne serait pas attaquée ? Il suffit de ces réflexions toutes simples pour se rendre compte que tous ces discours sont un rideau de fumée. 1

Les frères Kouachi, auteur de l'attaque contre Charlie Hebdo ...et fils de la France
Les frères Kouachi, auteurs de l’attaque contre Charlie Hebdo …et fils de la France

Pour penser cela, je crois que la question que nous devrions nous poser en premier, parce qu’elle est à notre portée, parce que pour commencer à y répondre, il n’est pas nécessaire de connaître d’autres pays que le nôtre, et parce que c’est celle qui nous concerne le plus directement, c’est celle-ci : « Qu’avons-nous fait à nos enfants pour qu’ils en arrivent là ? »

Car plusieurs (la plupart probablement) des tueurs sont des enfants de la France, même s’ils portent des noms exotiques. Ils y ont grandi, ils ne connaissent que ce pays. Je ne crois pas du tout que les immigrés mal intégrés relèvent d’un corps étranger en France, d’une autre culture, ennemie mais enkystée : ils sont, jusque dans leur mal-intégration, révélateurs de la société française d’aujourd’hui ; ils sont les enfants de cette société.

Il y a quelques semaines, lorsqu’on parlait des « frappes françaises » en Syrie, on disait benoîtement qu’elles visaient particulièrement à éliminer les « jihadistes » français. Je n’ai pas vu que cela ait beaucoup étonné. Pourtant, comment ne pas s’étonner qu’on en soit arrivé à donner pour objectif à notre armée l’élimination de nos propres enfants ? Si j’écris cela, on croira que je m’attendris sur des criminels. Ce n’est pas ainsi : je suis peu sujet à l’attendrissement (peut-être pas assez) et je veux bien admettre – au moins pour évacuer cet aspect du débat – que nous avons produit des monstres tels qu’il n’y a plus rien d’autre à faire que de les éliminer (on remarquera en passant que nous faisons de l’abolition universelle de la peine de mort un des buts de notre diplomatie, mais que nous mettons en pratique le raisonnement des partisans de la peine de mort : « Il y a des monstres tels qu’il faut les éliminer pour protéger la société » ; légère contradiction). Mais, même si l’on admet cette pratique, la question reste là : comment avons-nous réussi à produire des monstres tels que tuer nos propres enfants nous paraît désormais le seul recours ?

Une société peut-elle faire un plus fort aveu de son effondrement ?

Or, il n’est pas difficile de deviner qu’on parlera de tout sauf de la seule question à laquelle il est indispensable de chercher une réponse. Les discours, les agitations prévisibles, les hommages, les rassemblements, les manifestations d’unité nationale, etc. auront pour seul effet de vider le trop plein d’émotion de façon à faire l’économie de la réflexion qui dérange vraiment.

Et encore, ce n’est pas tout à fait vrai : elles auront un effet pire, qui sera de faire monter l’ambiance d’affrontement confus et haineux : « Nous sommes en guerre », plus « unité nationale », plus « hommage à nos morts », plus « nous ne céderons pas un pouce de terrain », au total, cela fait un cocktail qu’on n’ose qualifier d’explosif, bien propre à enivrer de haine et de peur. Ce qu’il faut absolument éviter.

Mais que nous n’éviterons pas : au moins ne les aidons pas à advenir.

1 Bruckner dans le Figaro du 15 novembre : « C’est notre civilisation qu’ils veulent détruire ». Pas encore compris qu’elle est déjà détruite de fond en comble et que nous n’avons eu besoin de personne pour nous y aider ?

[Crédit photo de Une : The Apex Archive : https://www.flickr.com/photos/the_apex_archive/]