[Cet éditorial est initialement paru dans PHILITT #4]
Nous avons toutes les raisons de désespérer du politique. Qui aujourd’hui pour penser que la politique sauvera quoi que ce soit ? Encore faudrait-il qu’elle soit capable de se sauver elle-même. Encore faudrait-il qu’elle soit capable tout court. Il suffit de contempler les incantations « républicaines », « progressistes » ou « conservatrices » pour comprendre : la politique règne par le vide, car elle n’est plus aujourd’hui fondée que sur elle-même. Or, si la politique peut nous sauver, elle ne le fera qu’en se sauvant d’abord. Mais qu’est-ce qui chez elle mérite en dernière instance d’être sauvé si ce n’est l’idéal qui la fonde, c’est-à-dire précisément ce qui dans la politique n’est pas politique, ce qui dans la politique va au-delà du politique ? Situation paradoxale : il faudrait sauver, contre la politique, les valeurs ou les idéaux qui fondent la politique.
Revenir au fondement de la politique, c’est précisément ce qui n’intéresse plus les politiciens qui préfèrent nous enfermer dans le piège du renouveau ou de la rupture. Le changement est sans cesse convoqué alors que seul compte le fondement dont découlent la légitimité puis la durée d’un régime. Le changement, concept vide par excellence, est donc devenu l’unique programme défendu par nos élites, élites dégradées qui sont à la République ce que la noblesse de robe était à la monarchie. Dostoïevski disait que l’homme ne pouvait trouver en lui-même le principe de sa liberté. Dans son sillage, nous pouvons dire que l’homme ne peut trouver en lui-même le principe de la légitimité politique. Les monarchies fondaient leur politique sur Dieu, la République de 1789 fondait sa politique sur l’homme. Rabattre la transcendance sur l’immanence faisait déjà courir un grand risque. La République de 2017 fonde sa politique sur la politique. Elle n’est plus qu’une vague tautologie.
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