L’Action française avait son maître à penser, Charles Maurras, son orateur, Léon Daudet, mais également son historien, Jacques Bainville. Ce dernier, élu à l’Académie française le 25 mars 1935, était le défenseur d’une France pré-révolutionnaire, autoritaire et spirituelle.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que Bainville n’est pas un apologète de la République. Dans son Histoire de France, il montre en quoi l’avènement de la République correspond au déclin de la nation française mais aussi à la mort de la spiritualité. En bon historien réactionnaire, Bainville décrit la grandeur d’une France monarchiste et catholique, d’une France unit par l’autorité et la foi. Pour le penseur contre-révolutionnaire, l’histoire de France ne commence pas en 1789. L’esprit français prend sa source dans les premières monarchies : mérovingienne, carolingienne et capétienne.
Aux yeux de Bainville, ce qui a fait la France, ce sont ses rois, les guerres européennes et le christianisme. La France est issue d’un processus historique long et complexe et non de la pensée révolutionnaire.
Chez Bainville, la critique de la Révolution française est décisive. Il est important pour lui de montrer que 1789 ne procède pas du succès d’un mouvement populaire mais bien plutôt d’une faiblesse ponctuelle de l’autorité monarchique. A ses yeux, la Révolution française est synonyme d’anarchie, de décadence et d’illusion. C’est un accident historique et non une aspiration universellement partagée. L’objectif de Bainville est de souligner les difficultés rencontrées pendant près d’un siècle par le modèle républicain. Loin de s’être imposée naturellement, loin d’avoir gagné en 1789, la République s’est définitivement constituée à la suite d’un grand nombre de bouleversements : le Consulat et l’Empire, la Restauration, la Monarchie de juillet, la deuxième République et le second Empire.
Pour Bainville, l’avènement de la République, et de la démocratie qui l’accompagne, coïncide avec le déclin de l’esprit français et explique également la défaite de 1870 contre Bismarck. La conviction de l’historien est la suivante : le peuple français aime la monarchie car il a besoin d’autorité. Cette autorité, la République n’est pas en mesure de lui apporter.
Ce qui fait l’originalité de cette Histoire de France, c’est le talent de narrateur de Bainville. L’ouvrage se parcourt comme un roman. Les portraits psychologiques des différents dirigeants invitent le lecteur à s’attacher à eux comme à des héros romanesques. De plus, au lieu de simplement présenter l’Histoire comme une succession d’événements, Bainville s’applique à rendre compte des causes et des conséquences. Géopolitologue avant la lettre, il décrit brillamment les différents systèmes d’alliance en Europe. L’Histoire de France est un ouvrage englobant duquel se dégage une cohérence implacable.
Face à l’histoire de son pays, Bainville est animé d’un double sentiment, un mélange d’admiration et d’amertume : « Les Rois ont fait la France. Elle se défait sans Roi. »