Sécurité et démocratie : une étude sur Daniel Weinstock

Daniel Weinstock est un philosophe québécois. Ces principales publications portent, entre autres, sur les fondements du libéralisme, sur le nationalisme et sur le constitutionalisme dans les États multinationaux. Dans cet article intitulé Sécurité et démocratie, il s’interroge sur les possibles abus juridiques relatifs à la sécurité publique. Pourquoi cette problématique? A la suite des attentats du 11 septembre 2001, les Etats-Unis, principalement, ont eu des « Réactions législatives visant à raffermir les pouvoirs et les prérogatives des pouvoirs exécutifs ainsi que des forces de l’ordre dans la lutte contre le terrorisme international. » (p.191) La notion de sécurité est souvent opposée, de nos jours, à la démocratie. La sécurité est un droit fondamental que l’on doit protéger. Mais que penser si pour préserver ce droit nous devons restreindre des droits différents mais tout aussi fondamentaux ? Les lois créées après les attentats comme le Patriot Act ou la loi C-36, semblent montrer une tension entre la théorie de la démocratie libérale et sa pratique. S’il faut arriver à concevoir que les droits peuvent être limités dans leur application, il ne faudrait pas non plus arriver à une situation tyrannique ou arbitraire. Il faut fixer un « équilibre à atteindre, par exemple, entre respect des droits et promotion de la sécurité des citoyens » (p.192, 193). Il faut, pour pouvoir faire de la sécurité un objet de politique publique, faire des compromis avec d’autres buts légitimes de la politique publique et que des limites soient posées à certains droits individuels. Comment arriver de manière systématique au type de compromis et aux coûts que les membres d’une démocratie seraient disposés à effectuer en termes de droits ? Daniel Weinstock va tenter au cours de cet article de définir un cadre théorique permettant d’établir les compromis que les citoyens sont prêts à réaliser, les coûts qu’ils sont prêts à supporter pour atteindre un objectif comme celui de la sécurité et il va envisager les risques possibles en vue d’un tel but. Adaptant des propositions faites par John Rawls et Ronald Dworkin pour penser ce type de question, il définit une situation hypothétique de choix, qui à travers les conditions (épistémiques et conatives) qu’elle impose aux participants, est susceptible de nous guider sur ces questions.

Pour établir une telle expérience de penser et amener des réponses, il procède en trois temps. Ces trois temps correspondront à nos trois parties qui nous permettrons d’étudier les idées de Weinstock. Nous analyserons donc dans un premier temps le concept de sécurité, dans un second temps nous étudierons l’expérience de pensée d’inspiration contractualiste qui permettra de définir l’équilibre à atteindre entre droits fondamentaux et sécurité et enfin nous montrerons quelles conséquences un tel équilibre peut avoir sur la démocratie.

I)

Comme nous l’avons dit auparavant, la recherche de la sécurité comme objet de politique publique amène la nécessité d’un consensus. Il faut que la sécurité puisse cohabiter avec d’autres buts de la société (la santé, l’éducation, …) et pour cela des limites doivent être posées. Mais avant de pouvoir établir de tels compromis et des limites nous devons déjà cerner la notion même de sécurité pour prendre toute la mesure du problème. Qu’est ce que la sécurité ?

La sécurité est par définition une absence de danger. Elle est pour Saint Augustin dans les Confessions un état psychologique qui résulte de l’absence de crainte ou encore, d’après Leibniz, l’improbabilité de la misère. Mais son statut est ambigu. En effet, la sécurité peut avoir un double caractère. Devons-nous la considérer comme un droit fondamental ou un bien ordinaire ? Weinstock, la comprend comme un droit fondamental tout comme la plupart des libéraux dont il s’inspire. La sécurité est présente sur les listes de droits et libertés fondamentaux à protéger. Le problème que Weinstock peut se résumer en un arbitrage des droits fondamentaux : d’un coté le droit à l’expression, à la libre association et de l’autre le droit à l’intégrité physique. Mais au-delà du fait de considérer la sécurité comme droit fondamental, comment la définir ? Pour Weinstock, elle est tout d’abord un état de fait.

« Un agent est en sécurité s’il est à l’abri de toute force susceptible de nuire à ses intérêts. » (p.193) Cette seule définition n’est cependant pas suffisante, elle mérite un approfondissement. Si on s’en tient à cela alors toute action attentée à l’encontre d’un agent quelconque pourrait être classée comme une menace à la sécurité même. Or une réelle menace à la sécurité est « Une menace à la sécurité de l’agent que lorsque certains de ses intérêts sont menacés. » (p.194) Il faut noter ici la nuance. Il y a menace lorsque certains intérêts sont menacés et non pas tous. Ces intérêts doivent être de type fondamental. La notion de sécurité va de pair avec le concept d’intérêt fondamental qui peut être assimilée aux droits fondamentaux d’un agent. Il y a donc différents types de menace.

L’ensemble des menaces à ma sécurité représente un sous-ensemble des menaces à mes intérêts fondamentaux. Mais qu’est-ce qu’une menace ? Une menace est une parole ou un geste marquant une hostilité. Ainsi, pour qu’il y ait menace il faut qu’il y ait une action humaine volontaire qui tente de nuire à mes intérêts fondamentaux. La menace est par ailleurs circonscrite par un ensemble de règles. Du fait de la multiplicité des types de menace on peut déduire que l’on peut être plus ou moins menacé et que donc on peut se sentir plus ou moins en sécurité. La sécurité est donc un « concept gradué plutôt qu’absolu » comme le souligne Weinstock (p. 194). La notion de sécurité a alors quelque chose de subjectif.

La sécurité absolue et parfaite est impossible à atteindre. Elle « représente une chimère, tant en tant qu’objectif personnel qu’en tant que visée politique » (p.195). Nous devons prendre la décision que ce soit en tant qu’individus ou en tant que société, du degré suffisant de sécurité qui nous satisfera. De manière individuelle, notre sentiment de sécurité variera en fonction de multiplies facteurs. Mais nous devrons en tant que citoyen d’un même pays, fixer ensemble un seuil de sécurité que les politiques publiques auront pour tâche de réaliser. La détermination d’un tel seuil devra s’établir de manière objective, impartiale. On ne pourra prendre en compte les singularités de tous les habitants, il faut trouver un consensus. Il ne pourra s’établir selon Weinstock qu’autour des coûts sociaux que le seuil de sécurité choisi entraînera. Ces coûts sont de deux ordres distincts.

Le premier type de coût qu’entraîne la sécurité est de type matériel. Il faut des dispositifs technologiques, des forces de l’ordre…Il faut que les contribuables soient prêts à payer et à investir dans la sécurité. Le deuxième type de coût est immatériel. Parvenir au seuil de sécurité que l’on se fixe peut entraîner la limitation de certains droit qui peuvent être comme le souligne Weinstock « au cœur même de la justification de la démocratie libérale. » (p.196), ce qui peut paraître problématique.

Après avoir défini les notions tels que la sécurité ou la menace, la question reste entière. « Quels coûts serions-nous, en tant que société, prêts à assumer afin d’assurer notre sécurité ? » C’est en répondant à cette question, que l’on pourra fixer le seuil de sécurité que nous estimons suffisant. Comme nous l’avons dit plus tôt, vouloir réaliser une sécurité parfaite est chimérique. Cela impliquerait des coûts démesurés, qu’il soient matériels ou immatériels.

D’ailleurs, l’idée d’atteindre une sécurité parfaite et totale a plutôt tendance à nous faire peur. La littérature et le cinéma nous donnent de bons exemples de mise en garde contre ce désir (1984 de Orwell ou encore le film minority report). Cela montre que si nous attachons une grande importance à la sécurité, nous ne sommes pas prêts à tous lui sacrifier. Bref, « Nous tenons à pouvoir utiliser les ressources matérielles dont nous disposons afin de poursuivre d’autres objets de politique publique, et nous tenons également à ce que nos droits et libertés ne soient pas toujours limités au-delà d’un certain niveau, quitte à ce que nous ne jouissions que d’une sécurité partielle. » (p.197) Mais comment déterminer ce seuil ? Comment faire en sorte de promouvoir un sentiment de sécurité réelle (en adéquation avec les faits), tout en rendant acceptables les coûts réels matériels et immatériels à la population (limitation des droits et libertés)? Pour répondre à cette question Weinstock va réaliser une expérience de pensée.

II)

Comment définir une situation de choix qui ne serait pas influencée par les intérêts personnels ? « Comment réduire la pluralité qui découle des intérêts personnels de manière qu’aucune personne raisonnable ne pourrait raisonnablement rejeter ? » (p.198) Pour répondre à cette question, Weinstock va se retourner vers John Rawls et Dworkin. Il va reprendre l’idée de l’expérience de la position originelle de manière originale.

Dans théorie de la justice, Rawls propose une expérience de pensée qu’il nomme « position originelle ». Cette opération est censée révélée les convictions bien pesées des citoyens des démocraties constitutionnelles sur les principales questions de justice sociale, notamment dans la distribution des ressources. Pour cela les individus sont placés derrière un voile d’ignorance. Il permet d’éviter que les individus soient enclins à choisir des principes en lien avec leurs conditions sociales ou économiques. Une situation d’impartialité est censée être ainsi créée. Les agents hypothétiques placés derrière ce voile feront ainsi des choix rationnels de manière égalitaire. Rawls utilise la simulation contractuelle uniquement pour identifier un certain nombre de droits et de libertés de base et leur attribuer une priorité absolue par rapport aux autres biens. C’est ainsi qu’il obtient un principe de liberté : « Chaque personne a droit à un ensemble pleinement adéquat de droits et de libertés de base compatible avec un ensemble similaire pour tous » (J. Rawls : Libéralisme politique, p.291) et une règle de priorité : les droits et les libertés de base ne peuvent être limités qu’au nom d’autres droits et libertés de base, jamais au nom d’autres biens. Si la théorie de Rawls nous donne une méthode pour établir des principes, il ne se sert pas de son contrat hypothétique pour arbitrer les conflits entre les droits fondamentaux. Et c’est ce type de conflit que nous rencontrons avec la sécurité. En quoi l’expérience de la position originelle pourra aider Weinstock dans son entreprise ?

Si la vision de Rawls pose des problèmes, c’est par le biais de Dworkin que Weinstock va l’utiliser. Dworkin va s’inspirer de la théorie de Rawls. Il utilise la stratégie de la position originelle comme nous l’explique Weinstock « pour opérationnaliser l’impartialité dans le contexte de valeurs et de politiques publiques correspondantes particulières, et pour permettre la définition de compromis entre valeurs distinctes et incommensurables. »(p.199) Il utilise cette méthode pour déterminer quelle part acceptable des ressources d’une société peut aller au domaine de la santé car tout comme la sécurité tout pourrait lui être consacré. « Dworkin imagine les individus motivés par le souhait de faire une utilisation aussi efficace que possible de leurs ressources sociales, tant pour les dépenses liées à la santé que pour d’autres fins, qu’ils disposent des informations nécessaires pour se livrer à des décisions éclairées dans le domaine de la santé, mais sont privés des informations qui pourraient les amener à manquer d’impartialité dans leurs jugements. » (p.199). Il sont dans une situation de pleine information qui leur permet ainsi de prendre une décision totalement impartiale et juste. Weinstock va adapter le raisonnement de Dworkin à la sécurité.

Il va alors définir une situation qui donne aux agents hypothétiques toutes les informations dont ils ont besoin (ils devront ainsi savoir ce qu’est un état de fait, connaître les risques réels de menace et avoir des informations qui leurs permettront de réaliser un jugement comparatif qui nous permettra de savoir quelle est la part réel qui revient à la sécurité sans léser les autres domaines, ce qui n’était pas présent chez Dworkin) et qui élimine celles qui les rendraient partiales pour répondre à la question du seuil de sécurité acceptable. Weinstock précise que les « agents hypothétiques seront mus par un souci d’efficacité dans l’utilisation des ressources qui seront déployées dans la quête de la sécurité. » (p.200). Il emprunte à Rawls l’hypothèse que dans « une démocratie libérale on peut se représenter les agents comme ayant un intérêt d’ordre supérieur à pouvoir disposer d’une sphère de droits aussi étendue que possible. Ils n’accepteront par conséquent que la restriction aux droits la plus limitée qui soit en même temps compatible avec l’atteinte d’un seuil de sécurité acceptable. » (p.200-201) Les décisions prises seront être efficaces, et permettrons une bonne distribution des ressources car les agents ont une bonne information que ce soit au niveau des coûts matériels et immatériels. Elles le seront doublement parce que les agents hypothétiques seront mis derrière un voile d’ignorance qui assurera l’impartialité nécessaire à une bonne prise de décision car « toute information sur leurs susceptibilités relatives aux risques posés respectivement par les menaces à la sécurité, maladie, etc. » (p.204) leurs seront inconnus.

Pour résumer comme le dit Weinstock : « Une situation de choix permettant de décider du seuil de sécurité acceptable pour une population en évaluant les coûts de différents ordres qui lui sont reliés aurait donc à opérer sur la base d’une information pleine et complète concernant les différents risques à la sécurité et les coûts liés au combat contre les différentes menaces à la sécurité, ainsi que sur les autres risques, liés par exemple à la maladie, auxquels elle est en proie, et en faisant tomber un « voile d’ignorance » partiel sur les susceptibilités diverses et les manières très différentes d’évaluer qui caractériseront la population. » (p.205). Une fois cette expérience de pensée définie, quelles réponses pouvons nous en tirer ?

Weinstock en tire des appréciations concernant les lois post 11 septembre. La démocratie libérale porte en elle les valeurs de dignité et d’égalité des individus et qui sont présentes dans les droits et les libertés : « nous sommes nés libres et égaux en droit et d’égale dignité ». Si ces valeurs sont importantes, on ne peut pas sacrifier en leurs noms toutes les autres valeurs. Ainsi on peut émettre un certain nombre de réserves sur les lois promulguées après les attentats du 11 septembre. Elles ont été conçues dans un climat de panique, à l’opposé d’un contexte qui permet une évaluation rationnelle des risques, des coûts et des avantages liés à ces lois. On a cédé au sentiment de panique au lieu d’opérer une élaboration sobre.

Mais dans une situation idéale, « quelles restrictions à notre liberté nous serions prêts à admettre pour protéger notre sécurité dans des conditions de jugement ? » (p.206)

III)

Les théoriciens de la démocratie délibérative, inspirés par Rawls et Habermas ont pour principale idée que la société est démocratique lorsque les décisions sont prises par délibération publique de tous les membres. Ils se distinguent en ceci de théoriciens de la démocraties pluralistes et des penseurs de la démocratie défensive.

Le fait de mettre la sécurité en tête de liste des objectifs de la politique publique peut poser des problèmes notamment aux démocraties de type délibératives. Le principe de la démocratie délibérative étant comme nous l’avons dit basée sur la délibération, elle peut être plus facilement mise en danger notamment face aux menaces envers la sécurité. Pourquoi ?

Comme l’analyse Weinstock « la démocratie délibérative dépend de ce que des liens formels, semi-formels et informels soient établis entre les associations libres de la société civile et les assemblées législatives. » (p.208) Elle dépend donc des associations, de leur nombre. Cette vie associative est permise par le droit à la libre association. Or un tel droit, quand la sécurité d’un pays est menacée, est très vite remis en cause. « En effet la vie associative n’est pas que bonne, elle est « touche pas à mon pote », mais c’est également le Ku Klux Klan. » (p.208) Si la sécurité devient un des objectifs de la politique publique des sociétés délibératives, il est évident que le droit de libre association va souffrir de restrictions. Weinstock souligne qu’ « il n’est donc pas étonnant que la loi C-36 se soit donnée parmi ses premières tâches de rendre criminelle l’appartenance à des groupes faisant la promotion du terrorisme d’une manière ou d’une autre. » (p.209) Mais il n’y a pas que sur le plan du droit de la libre association que la démocratie délibérative rencontre des difficultés.

En effet, pour que la délibération puisse avoir lieu il faut que les citoyens soient informés clairement des faits et des politiques du gouvernement. Le gouvernement doit être transparent. Kant, comme le montre Weinstock, avait souligné l’importance du principe de publicité dans pour la Paix perpétuelle : « Toutes les notions relatives au droit d’autrui, dont la maxime est incompatible avec la publicité, sont injustes ». Ce principe de publicité est problématique lorsque la sécurité est menacée. L’exigence de transparence oblige le gouvernement à dévoiler toutes sortes d’informations à la population et par extension forcément à ses ennemis. Alors comme le dit logiquement Weinstock : « Si un état veut empêcher l’ennemi d’obtenir des informations de ce type, il devra également l’interdire à ses propres citoyens. Ils se verront ainsi empêchés de participer à la délibération concernant les fins militaires et stratégiques de leur État. » (p.209) On pourrait penser que cela n’est pas très grave puisque cette limitation de la publicité ne pourrait se limiter qu’au temps de guerre. Mais aujourd’hui avec le terrorisme, on ne peut plus définir le début et la fin de la période de la guerre. Il est donc impossible de lever les limitations de la publicité. Les démocraties modernes ne pourront être délibératives que si la délibération peut être institutionnalisée autrement que sur le modèle de l’agora. Mais quels genres de restrictions les autres types de démocratie seraient prêts à opérer au nom de la sécurité ?

Weinstock en se référant à sa « position originelle » va tenter d’établir les restrictions que des contractants hypothétiques désireux de protéger leurs droits, bien informés et impartiaux peuvent trouver. Contrairement à la démocratie délibérative, les autres démocraties semblent être plus enclines à la restriction notamment de la liberté d’association. La position originelle supposant une information complète et parfaite fait prendre conscience à l’agent hypothétique du coût réel de la limitation de la publicité. Weinstock souligne ainsi qu’un tel agent « seraient en particulier soucieux de ne pas fournir à l’État lui-même et à son appareil de sécurité les moyens institutionnels et juridiques de se transformer lui-même en menace à la sécurité. » (p.213). Si un état échappe au devoir de transparence alors il peut vite se transformer en tyrannie car il aurait une totale liberté d’action la population n’étant au courant de rien. La publicité limitée au nom de la sécurité amène de gros dangers. Peut-on échapper à ce risque ? Et si oui de quelle manière ?

On peut échapper à ce dilemme si comme nous le fait remarquer Weinstock, on analyse bien la notion de publicité. Cette notion possède deux degrés. Le premier degré de publicité a « trait aux objectifs gouvernementaux, aux raisons à l’appuie de ces mesures et aux faits pertinents ». Le second degré quant à lui à « trait aux normes gérant la publicité de premier degré » (p.214). Il peut y avoir secret si et seulement si les gouvernements peuvent justifier une telle manière de procéder pour qu’une politique réussisse et que les citoyens soient au courant d’un tel fait. Le secret peut donc être justifié et admis pour réaliser un objectif de sécurité mais il faut éviter et prévenir tout abus qui peut transformer tout gouvernement en tyrannie.

Weinstock au cours de cet article définit donc la notion de sécurité, établit une expérience de pensée permettant de déterminer les restrictions que les citoyens seraient prêts à supporter pour atteindre un certain objectif de sécurité et les conséquences que cela peut avoir pour la démocratie. Nous avons fait une lecture des théories de Weinstock en considérant la sécurité comme un droit fondamental. Or, on peut réaliser un autre de type d’analyse en considérant la sécurité comme un bien ordinaire (on se rappelle ici que la sécurité à un double caractère). Une telle interprétation peut se justifier comme le souligne Stéphane Courtois dans Enjeux philosophiques de la guerre, de la paix et du terrorisme par ce passage de l’article : « Nous tenons à pouvoir utiliser les ressources matérielles dont nous disposons afin de poursuivre d’autres objets de politique publique, et nous tenons également à ce que nos droits et libertés ne soient pas limités au-delà d’un certain niveau, quitte à ce que nous ne jouissons que d’une sécurité partielle. Mais comment dériver ce seuil ? Comment en arriver à un consensus social sur les prix en termes de ressources et en termes de droits que nous sommes prêts à assumer afin de garantir notre sécurité ? » Il s’agit alors, au moyen de la simulation contractuelle, de déterminer comment les contractants idéaux arbitreraient les conflits entre la sécurité et les autres biens, y compris les droits fondamentaux. Ainsi comprise, la problématique de la sécurité remet en cause la priorité absolue que l’on donne habituellement aux droits fondamentaux, tout comme l’a également fait Pogge. Si Weinstock reconnaît la nécessité d’un compromis entre la sécurité et les droits fondamentaux, il va jusqu’à admettre qu’un compromis entre les valeurs et les droits est tout aussi nécessaire et que cela serait admis par la plupart des citoyens des démocraties libérales. Cette interprétation permet plus de compromis que la première plus restrictive (on peut imaginer ainsi une compensation financière de la restriction des droits fondamentaux par exemple).

J.