Antisthène est un philosophe méconnu, peu étudié et injustement catalogué. On le dit cynique, sophiste et on a tendance à oublier, peut être parce qu’il fut un disciple de Gorgias, qu’il était, comme son contemporain Platon, un véritable socratique. Ce qu’il reste de sa pensée se présente sous forme de fragments rapportés par des commentateurs ultérieurs (Porphyre de Tyr, Alexandre d’Aphrodise). Ce qui caractérise la pensée d’Antisthène, c’est une conception originale du logos que la tradition nous présente sous la forme de paradoxes éminemment problématiques. Rappelons que les théories du langage sont très en vogue au IVe siècle avant JC. Elles sont intimement liées à une ontologie dominante dont le père fondateur est Parménide. En effet, avant la réforme du Sophiste qui réintroduit le non être dans la théorie des cinq genres sous la forme de l’autre, la pensée hellénistique et toutes les théories du langage qui en découlent sont conditionnées par un présupposé décisif : le non être n’est pas. Qu’en est-il d’Antisthène ? Quel lien sa théorie du discours propre entretient-elle avec l’être en général ? Ce qui fonde la réflexion d’Antisthène sur le langage c’est l’assimilation du dire (λεγειν) au dire quelque chose (λεγειν τι) au dire quelque chose qui est (λεγειν το ον) et au dire vrai (αληθευειν).
Il s’agira de dévoiler dans notre devoir la facette la moins connue d’Antisthène. On limite souvent sa pensée aux préjugés hérités d’un célèbre passage du Sophiste de Platon (251b-c). La référence de l’étranger à Antisthène est évidente : « Par là, nous avons préparé un régal pour les jeunes gens et pour les vieillards fraîchement instruits. Il est à la portée de tout le monde de répliquer aussitôt qu’il est impossible que plusieurs soient un et qu’un soit plusieurs, et, bien entendu, ils prennent plaisir à ne pas permettre qu’on dise qu’un homme est bon, mais seulement que le bon est bon et l’homme homme. »
Nous nous pencherons dans un premier temps sur l’influence qu’a pu exercer Gorgias sur la pensée d’Antisthène afin de montrer par la suite en quoi celui-ci s’en distingue. Nous présenterons dans un deuxième moment, les paradoxes antisthéniens souvent mal compris et nous tenterons d’expliquer en quoi ils requièrent certains éléments théoriques afin d’être interprétés proprement. Ensuite, nous nous arrêterons sur ce qu’Aldo Brancacci nomme « la polémique anti-platonicienne » au sein de laquelle Antisthène critique l’exigence définitionnelle de Platon. Finalement, nous mettrons en lumière la singularité du discours propre (οικειος λογος), condition de possibilité de la science, de l’éthique, mais également de l’éducation (παιδεια). Nous mettrons également en évidence la distinction antisthénienne entre propre et étranger, point qui permet une nouvelle interprétation de ses paradoxes.
I)
Antisthène est un disciple de Gorgias. Cependant, il n’est pas un simple continuateur et cherche à dépasser la problématique conception sophistique du langage que celui-ci présente dans le Traité du non être. Antisthène est souvent perçu comme cynique ou comme sophiste. En réalité il est, au même titre que Platon et Xénophon, un socratique.
Aux yeux de Gorgias, il y a une hétérogénéité du langage par rapport aux choses. Il considère que le « dire » (λεγειν) ne peut pas être un « dire quelque chose » (λεγειν τι). Gorgias se refuse à toute fonction de transmission du langage. Le langage (λογος) peut persuader, mais en aucun cas communiquer des vérités objectives.
Gorgias soutient : « Le moyen pour nous d’exprimer est le discours, et le discours n’est pas ce sur quoi il porte et ce qui est; ce n’est donc pas ce qui est que nous communiquons aux autres, mais le discours qui est différent de ce sur quoi il porte. »
C’est parce que le λογος est un être à part entière qu’il ne peut manifester autre chose que ce qu’il est. Pierre Aubenque, dans le problème de l’être chez Aristote résume bien la position de Gorgias : « Le λογος ne renvoie donc à rien d’autre qu’à lui-même. Chose parmi les choses, son rapport avec les autres choses n’est pas de l’ordre de la signification, mais seulement de la rencontre. » et plus loin « Le discours (λογος) étant lui-même un être, ne peut exprimer l’être; car exprimer, c’est en quelque sorte être autre chose que ce qu’on est : réalité
sensible mais aussi signe d’une autre réalité. »
Dans un extrait de la troisième section du Traité du non être, Gorgias s’interroge : « Même si les choses étaient connaissables, de quelle façon quelqu’un pourrait-il les rendre manifestes à un autre ? » et dans la dernière section, il déclame : « ainsi donc, si une chose est connaissable, personne ne pourra la rendre manifeste à un autre, parce que les choses ne sont pas des discours. » Gorgias n’envisage manifestement pas le moindre δελουν que l’on retrouvera dans la formule d’Antisthène : « λογος εστιν ο το τι ην η εστι δηλων ».
Pour Antisthène, le dire est bien un dire quelque chose, c’est-à-dire donner un contenu objectif et non exprimer un simple son. Aux yeux d’Antisthène, le langage peut rendre manifeste.
II)
La position antisthénienne opère un véritable retournement. Pour Antisthène, il existe une fonction positive du dialégesthaï et, en cela, il est à proprement parler socratique. Lorsque l’on présente habituellement Antisthène, on met en avant les paradoxes que l’histoire de la philosophie a le mieux retenu.
« Mais Antisthène estimait que chacune des choses qui sont était exprimée uniquement par le discours propre, et qu’il n’y en avait qu’un seul pour chaque chose; et cela précisément, est le discours propre. En revanche, le discours qui signifie quelque chose, sans être propre à la chose dont on dit qu’il est le discours, lui est étranger. A partir de tels principes, Antisthène cherchait à conclure qu’il n’est pas possible de contredire; en effet, ceux qui sont en désaccord sur une chose sont tenus de dire des choses différentes. Mais il n’est pas possible de produire des discours différents à propos de la même chose, étant donné qu’il n’y a qu’un seul discours propre pour chacune. Il existe en effet un seul discours propre pour chaque réalité, et qui parle, parle seulement de celle là; par conséquent, si deux hommes parlent de la même chose, ils disent tous deux les mêmes choses, ils ne se contredisent pas l’un l’autre. S’ils disaient en revanche des choses différentes, ils ne parleraient plus de la même chose,
puisqu’il n’existe qu’un seul discours relatif à la même chose, et ceux qui sont en désaccord sont tenus de parler de la même chose. Et ainsi, Antisthène concluait qu’il n’est pas possible de contredire. Mais il n’est pas possible, en quelque sorte, de dire faux, étant donné qu’on ne peut rien dire d’autre, à propos de quelque chose que le discours particulier qui lui est propre. » Cf. : Alexandre d’Aphrodise, p. 208 du livre d’Aldo Brancacci, Le discours propre
Cette thèse est bien résumée par le néo-platonicien Proclus : « Tout discours (λογος), dit Antisthène, est dans le vrai; car celui qui parle dit quelque chose; or celui qui dit quelque chose dit l’être, et celui qui dit l’être est dans le vrai. »
La thèse d’Antisthène se base sur l’identification entre dire (λεγειν), dire quelque chose (λεγειν τι), dire quelque chose qui est (λεγειν το ον) et dire vrai (αληθευειν).
Antisthène refuserait la légitimité de toute proposition autre que x est x. Dans cette optique, il ne peut que proposer un usage du langage radicalement différent de l’usage usuel. La position d’Antisthène aboutirait également à l’impossibilité de toute définition. En effet, on ne peut rien dire de plus sur l’homme par exemple, à part qu’il est homme. L’attitude antisthénienne conduirait à une théorie du langage inféconde, uniquement basée sur les jugements d’identité, où le seul prédicat attribuable à un sujet serait le sujet lui-même.
Or, ce point de vue sur Antisthène est réducteur, et repose sur une mauvaise interprétation des quelques fragments que les doxographes nous ont transmis. A vrai dire, sa position est beaucoup plus complexe que l’on pense, elle n’aboutit pas à l’impossibilité de la prédication ou encore à des considérations d’ordre simplement éristique. En effet, c’est bien une théorie positive du langage qu’Antisthène cherchait à transmettre. Celle-ci trouve son fondement dans l’exégèse homérique (et notamment dans le personnage d’Ulysse qui est, au même titre que Socrate, un sage) ainsi que dans une recherche d’ordre logico-linguistique. On sait, d’après Diogène Laërce, qu’Antisthène a beaucoup écrit sur des sujets très divers (traites de politique, d’éthique, de rhétorique). Il faut souligner l’importance de ses ouvrages logico-linguistiques, au nombre de cinq : La Vérité, Sur le dialégesthaï, Sathon, Sur la contradiction / Sur la division et Sur la conversation.
La méthode d’Antisthène peut être comparée à celle du sophiste Prodicos, mais elle doit aussi être distinguée sur un point décisif. Prodicos et Antisthène se proposent d’étudier les mots en deux temps. Tout d’abord une analyse du contenu sémantique destinée à atteindre la justesse des noms. Ce procédé a pour but de mettre en avant la polysémie des noms qui est problématique. C’est dans le deuxième mouvement que les penseurs se différencient. Alors que Prodicos, pour résoudre le problème de la polysémie pensait à une révision du lexique afin de faire correspondre chaque mot avec une seule et unique chose. Antisthène, de son côté, ne rejette pas aussi catégoriquement la polysémie des noms, il pense qu’elle possède sa sphère légitime d’application. Cependant, elle devra par la suite être réduite grâce à un usage pertinent du discours propre.
III)
Comme le rapporte Aristote en Catégories 8b25, Antisthène s’exclamait contre Platon : « Ô Platon, je vois le cheval, mais je ne vois pas la chevalité! » ou encore « je vois l’homme, mais je ne vois pas l’hominité ». Aristote a vu dans la position antisthénienne le refus de la définition des qualités relatives à un être. Et Platon de lui répondre : « C’est parce que tu as l’oeil pour voir le cheval, mais celui qui permet de saisir la chevalité, tu ne le possèdes pas du tout. »
Au même titre qu’il s’agit de distinguer homme / hominité, cheval / chevalité, Antisthène monte la différence entre le « quel » et la qualité. Cette dernière n’est qu’un pur concept, auquel ne correspond aucune réalité. Antisthène est, à proprement parlé, réaliste si on l’entend dans la dichotomie avec le nominalisme. Antisthène nie la teneur ontologique des concepts, et donc des Formes (ειδει) hypostasiées de Platon. L’Idée platonicienne n’a rien de substantielle, elle ne renvoie à rien dans le monde réel, c’est une pure abstraction.
Antisthène cherche en fait à nier la subsistance réelle de la qualité et par là à remettre en question la stabilité de l’ειδος de Platon dans l’entreprise de définition. Pour Antisthène, dire
l’ειδος, c’est donner un contenu vide à la définition, car dire quelque chose doit être dire un être, or l’ειδος ne possède pas de référent fiable au niveau des choses (τα πραγμα).
A vrai dire, la théorie d’Antisthène n’est pas un renoncement total à l’acte définitionnel, elle ne se limite pas non plus aux jugements tautologiques. En fait, ce n’est pas que l’on ne peut pas définir, mais bien plutôt qu’on ne peut définir l’essence. Pour Antisthène, et comme le résume bien Aristote en Métaphysique H3 : « La définition est un discours long. » Si donc l’essence est une chose simple, elle ne peut être exprimée par un logos (discours définitionnel) qui contient une pluralité de noms. Antisthène met en lumière, la tension entre la complexité de la définition et l’unité irréductible du « τι εστι », c’est-à-dire l’essence. Il faut donc souligner la contradiction entre la structure complexe du logos et la simplicité de l’essence. Antisthène propose une critique de la thèse platonicienne en montrant qu’il est impossible de définir, l’idée ou forme (ειδος), mais ce n’est qu’un point particulier dans sa thèse générale de l’impossibilité de définir le simple. Le contenu définitionnel d’Antisthène n’est donc pas le « τι εστι » mais le « ποιον τι εστι », c’est à dire le « το τι ην » qui dénote un imparfait philosophique proche du « το τι ην ειναι » aristotélicien. Pour Platon, la définition doit répondre à la question “Qu’est-ce que c’est?” (τι εστι). Et celle-ci doit conduire à la forme (ειδος).
De plus, pour Platon, la vérité d’un logos est déterminée par un consensus, un accord entre deux interlocuteurs à la suite d’un dialogue. Le discours vrai est donc l’aboutissement d’un dialégesthaï bien mené. Le vrai, c’est la meilleure réponse que l’on puisse donner à la question « Qu’est ce que c’est ? » ou plutôt « Que veux-tu dire ? » Antisthène est plus dogmatique que son maître Socrate, la détermination d’un logos vrai passe par un examen objectif des noms. Le logos n’est plus vrai parce qu’il est mis à l’épreuve du dialogue, mais parce qu’il est confronté aux exigences de la définition, c’est-à-dire d’un énoncé normatif. Le logos d’Antisthène signifie donc à la fois « raisonnement » en tant que processus d’analyse sémantique, mais aussi « définition », comme résultat de ce dernier.
IV)
Le Socrate de Platon dit « τι εστι », celui d’Antisthène s’interroge d’une manière plus singulière « τό τί ην η εστι » littéralement “ce que c’était ou que c’est”. Pour Platon, donner une définition satisfaisante, c’est toujours définir l’essence. En revanche, pour Antisthène, c’est de l’individu qu’il faut partir pour l’entreprise définitionnelle.
Pour Antisthène, exprimer l’objet de façon propre, c’est le placer au niveau de la science. Il s’agit donc de dépasser l’équation que nous avons présentée plus haut, chargée de présupposés ontologiques forts, hérités de l’Eléatisme : le « dire » est un « dire quelque chose », c’est-à-dire « un dire quelque chose qui est » et donc « un dire vrai ». L’acception de cette structure discursive conduit inévitablement à l’impossibilité de la transmission d’un savoir positif. Or, Antisthène veut fonder la morale et la science, il doit donc renoncer au clivage vrai et faux et ménager une place plus subtile pour la distinction entre propre (οικειον) et étranger (αλλοτριον). Pour sauver l’éthique et la science, il faut employer une nouvelle méthode de dialègesthaï : celle de l’oikeïos logos (οικειος λογος). Alexandre d’Aphrodise résume les choses ainsi : “un seul logos pour chaque chose”. A chaque être doit correspondre un seul discours particulier qui lui est propre (ιδιος και οικειος λογος). Il faut donc plutôt comprendre la doctrine du discours propre bien plus comme une exigence de rigueur que comme un simple jeu sophistique.
Pour bien comprendre l’enjeu de la posture antisthénienne, penchons nous sur une phrase peu évidente que nous rapporte Diogène Laërce dans son Catalogue : « λογος εστιν ο το τι ην η εστι δηλων ». Nous avons déjà mis en lumière le fait qu’aux yeux d’Antisthène on ne peut définir le « το τι εστι ». Il s’agit alors de distinguer deux temps dans entreprise de formulation du logos. La phrase d’Antisthène révèle une teneur plus logico-dialectique qu’ontologique. En fait, le logos est ici à entendre comme discours définitionnel. Aldo Brancacci propose la traduction suivante : « est un logos (discours définitionnel) celui qui manifeste ce que c’était, c’est-à-dire ce qui est. »
Les paradoxes que la tradition a retenus d’Antisthène peuvent être éclairés grâce à la juste considération du discours propre. Le sage qui manie ce dernier ne peut être contredit. En effet, il est en possession d’un avoir rigoureux qui ne laisse aucune place à l’erreur. Il est capable de rendre compte de la proximité entre l’ordre ontologique et l’ordre linguistique. Le sage antisthénien doit cependant être distingué de Gorgias qui plaçait sur le même plan l’être et le discours, comme réalité audible incapable de faire signe vers autre chose qu’elle-même. Ce qu’il est important de souligner c’est que les paradoxes esthétisante ne sont pas si contre intuitifs et qu’une fois justement considérés ils se révèlent plus évidents. Le logos qui ne peut être contredit n’est pas celui de la doxa, mais celui de l’alethèia, le discours propre qui est le discours adéquate, celui du sage.
Il en va de même en ce qui concerne l’impossibilité de dire faux. Il ne faut pas entrevoir cette thèse d’après la dichotomie vrai / faux, mais bien par rapport à celle que nous avons déjà présentée, c’est-à-dire propre / étranger. En effet, il faut interpréter le dire faux, comme un dire quelque chose d’étranger à la chose ; et le dire vrai comme la juste saisie des déterminations d’un être par le biais du discours propre. Donc, quant Antisthène affirme qu’on ne peut pas dire faux, c’est parce qu’on dit quelque chose d’étranger. Substituer ce qui est étranger à ce qui est faux permet de ne pas réduire la thèse antisthénienne à la seule sophistique. Un passage d’Alexandre d’Aphrodise vient appuyer cette lecture, notamment en relativisant l’interprétation qu’en a fait Aristote : « En disant, il (Aristote) blâme Antisthène qui soutenait de manière simpliste qu’un logos ne peut être dit d’aucune autre chose que de celle dont il est propre ; celui-ci était induit en erreur par le fait que le logos faux n’est logos de rien en un sens absolu ; car s’il n’est pas (un logos) en un sens absolu et propre, ce n’est pas pour cela qu’il n’est pas (un logos) du tout. »
Aux yeux d’Aristote, la position antisthénienne est absurde car elle présuppose qu’on ne puisse produire aucun logos faux. Chose évidemment démentie par l’empirie. Or, ce que veut dire Antisthène, c’est qu’un logos faux est en fait un logos étranger, c’est-à-dire qui n’entretient aucun rapport à l’être auquel il cherche vainement à se référer.
Comprendre Antisthène, c’est donc saisir la singularité d’une pensée qui ne se révèle qu’indirectement. Ce qui ressort de notre étude ce sont les deux visages possibles d’Antisthène. D’un côté un penseur subversif se prêtant volontiers à l’exercice rhétorique dans le but de dérouter le sens commun et, de l’autre, un auteur très sérieux imprégné d’une vision socratique différente de Platon, mais qui possède sa légitimé propre. Nous avons montré que, même si la pensée d’Antisthène est influencée par Gorgias, elle ne satisfait pas de la pensée de son maître et a pour ambition de fonder la possibilité de la transmission du savoir. Au même titre que Platon qui cherchait à maintenir la théorie des formes pour sauver le dialégesthaï, Antisthène se décide pour l’οικειος λογος, théorie du langage qui, à première vue, prête à confusion. En effet, les fameux paradoxes d’Antisthène semblent tout d’abord conduire à l’impossibilité de la prédication, mais également à celle de la définition. Or, l’entreprise d’Antisthène se veut positive, il croit en l’éthique, en la science et en l’éducation. Il faut donc approfondir la recherche, en passant notamment par la critique de son rival Platon, pour comprendre que la théorie antisthénienne du langage n’est pas un renoncement total à l’entreprise définitionnelle, mais seulement à celle de l’essence, notion qui, pour lui, est vide de signification. Il faut voir dans le discours propre un idéal qui permettrait à celui qui s’en sert de considérer les choses du monde avec une rigueur qui ne prête à aucune équivoque et encore moins à la contradiction. La mise en place d’une nouvelle dichotomie propre / étranger qu’Antisthène substitue à la traditionnelle opposition entre vrai et faux permet de rendre compte avec une plus grande justesse de ses paradoxes et de l’idée générale de la philosophie antisthénienne.
M.